Festival Avignon : en aparté (la suite) avec Julia de Gasquet, Léonor de Récondo et Mélanie Traversier

par | 9 Juin 2025

SLP_ Parlons un peu du titre de ce spectacle : Le désir du désir du désir.
Léonor de Récondo_ 
Il s’agit de la mise en abyme de ces trois époques avec une question de fond : le désir de vivre, le désir d’aimer et le désir d’être. Cette épaisseur du désir féminin qui est mise en exergue dans le texte avec ce questionnement de l’amour, de la sexualité, de la maternité, du travail intellectuel. Ce titre est un peu étrange, à rallonge, voire répétitif mais il dit aussi que nous sommes trois sur la scène.

SPL_ Chacune avec votre propre sensibilité, qu’est-ce qui vous a le plus touché dans ce texte ?

Léonor de Récondo_ Pour moi, il s’agit d’une première : être sur scène et incarner parfois mon propre personnage. C’est une expérience très émouvante et très particulière d’écrire et de dire. Il y a aussi cette confiance entre nous. Cette expérience ne pouvait se faire qu’avec elles deux.

Julia de Gasquet_ Tu parles d’amitié mais c’est précieux car c’est aussi la confiance que vous m’accordez à l’endroit de la mise en espace, de la mise en scène, en étant à la fois dedans et dehors. L’idée était de trouver un espace pour ces mots-là. Personnellement, ce qui me touche est de pouvoir faire le théâtre dans lequel je crois, qui abolit le 4ème mur, va au plus près du public. Parfois, ce 4ème mur est reconstruit le temps d’un instant, le temps d’un personnage : on joue à le jouer. Ce plaisir est celui d’un théâtre ludique mais profond. Je m’appelle Julia et je suis Julia sur le plateau et soudain je suis Mariana puis je redeviens Julia et tout cela à vue.

Mélanie Traversier_ Ce que je trouve très émouvant est que ce spectacle incarne littéralement et poétiquement ce qu’est la sororité —terme très galvaudé— qu’on donne à voir et entendre comme les trois Maria en leur temps, dans les conditions difficiles qu’elles éprouvaient ; elles lui ont donné chair pour tenir bon ensemble dans l’adversité. À aucun moment, nous ne sommes dans un registre purement didactique ou académique. C’est le pari très beau du texte de faire confiance aux mots, à leur performativité et à l’intelligence du spectateur. Une fois embarqué ce dernier peut être dérouté en acceptant le trouble également.

Léonor de Récondo_ En l’écrivant, j’avais aussi en tête, la vision des populistes qui arrivent au pouvoir sur la thématique du corps de la femme avec notamment la question de l’avortement remis en cause tout de suite par Trump aux Etats-Unis. « Combien d’années sont-elles nécessaires pour que les choix ne soient plus renoncements mais une addition de possibles ? » Une question partagée par les hommes et les femmes.

 

 

SPL_ Quel est le dispositif scénique ?
Julia de Gasquet_ 
L’autrice n’est pas seulement là dans la salle mais sur le plateau avec nous. Partant de là, on dispose de son espace, une table et une chaise. Et l’espace est nu. Il s’agit avant tout d’un travail kaléidoscopique :  l’idée est de donner corps aux mots, par des espaces que l’on compose et recompose grâce à des jeux de lumière. La lumière (créée par Ingrid Chevalier) est mon outil principal. Il y a là quelque chose de l’ordre de l’aiguillage, de la précision sur le texte. Mais ce dernier possède aussi ses foucades, ses béances, ses hiatus qu’on laisse apparents volontairement.

SLP_  Léonor, comment avez-vous pensé le rôle même des comédiennes ?
Léonor de Récondo_ 
De façon intuitive. On s’est rencontrées dans un festival. On s’est très bien entendues. Puis, quand Julia m’a fait lire ce texte, tout m’est venu de manière intuitive, qui ferait quoi…. De toutes façons, ce sont de très grandes actrices. 

 

Julia de Gasquet_ Cela produit quelque chose de très troublant. S’il fallait trouver une tonalité, je serais la voix du désir qui veut croire en l’amour. Mélanie est celle qui pose les questions dérangeantes, qui provoque de façon plus musclée.

Léonor de Récondo_ Il y a également l’ironie qu’elle manie beaucoup plus que toi !

 SLP_ À vous écouter, tout cela est parfaitement logique et naturel ! (Rires)

Propos recueillis par Laurent Schteiner

 

 

« Le désir du désir du désir » de Léonor de Récondo

Mise en scène de Julia de Gasquet

Avec Julia de Gasquet, Léonor de Récondo et Mélanie Traversier

Au Festival d’Avignon du 5 au 26 juillet au Théâtre Barretta (14 place St Didier) à 12h30
relâche les 7, 14 et 21 juillet 

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