Théâtre : « Nos jardins » de Amine Adjina

Amine Adjina nous revient avec un nouvel opus sur Histoire(s) de France. Sa nouvelle création, Nos Jardins nous entraine cette fois à la rencontre de jeunes élèves décidés à empêcher la construction d’un centre commercial censé remplacer un jardin ouvrier. Ce deuxième volet, bien différent du précédent dans sa conception pédagogique, revêt une dimension politique éminente. 

Un jardin ouvrier doit être rasé pour laisser la place à un nouveau centre commercial. Deux lycéennes révulsées par ce projet n’entendent pas laisser ce projet se concrétiser. Ce jardin symbolise un environnement écologique où chacun peut, sur une parcelle dédiée, se réaliser en toute quiétude. Lieu d’attache familiale et de ressources, espace de liberté, ce jardin constitue le poumon de cette ville. Un endroit en marge d’une industrialisation rampante rognant tout espace libre. Ces deux lycéennes s’opposent à un de leurs amis qui y voit le triomphe de la beauté et de l’esthétique urbaines à travers ce programme. Impliqués tous trois au Lycée dans un travail sur l’éloquence, chacun y cherche des motivations afin d’illustrer leur engagement politique. Alors que les pelleteuses entament les travaux présidant à l’éradication du jardin, le jeune homme revendique au nom de l’éloquence, le style Louis XIV, le roi Soleil qui rappelle, à bien des égards, la figure de Jupiter. A son opposé, ses amies préconisent davantage le genre « patate », un style écologique plus approprié en la circonstance. Mais la contestation gagnant du terrain, les luttes et les combats historiques deviennent le terreau de cet enjeu qui touche par capillarité tous les opposants à ce projet. C’est ainsi que la figure de Louise Michel prend tout son sens dans ce projet urbain qui cristallise un choix de société et plus largement recouvre une dimension politique, sociale et environnementale.

La scène, installée au milieu avec un public en bi-frontal, assure une intimité plus large avec de jeunes spectateurs séduits par ce format peu usuel. Le texte, finement écrit, opère une articulation historique logique  qui en découle naturellement. Ces trois lycéens trouvent dans les problèmes actuels qui les animent une source d’inspiration dans l’Histoire de France. Cet effet de levier permet de présenter de façon pédagogique une Histoire de France dont les revendications, les luttes d’antan ressemblent, à des degrés divers, à leur contestation qui prend les allures de résistance. Certes, les temps ont changé. Mais l’Histoire demeure une éternelle répétition. Ce spectacle, assis sur un texte intelligent, est interprété avec justesse et générosité entrainant dans son sillage un parterre de lycéens qui découvrent comment un engagement citoyen devient, par la force des choses, un engagement politique.

Laurent Schteiner