Théâtre : « Méduses » de Mélie Néel

Méduses de Mélie Néel, a remporté le Prix du Jury du Festival court mais pas vite 2022 organisé par le théâtre des Déchargeurs. Ce spectacle coup de poing et glaçant dissèque avec justesse les conséquences tragiques d’un viol d’une jeune adolescente. Cette mise à nue invite le spectateur à vivre de l’intérieur les conséquences tragiques de ce crime. La mise en scène de Noémie Schreiber et de Cécile Roqué Alsina, précise et aboutie, assure un spectacle de qualité.

La naïveté guide les pas de l’adolescence. Papillon s’adonne à la compétition de natation. Elle a 14 ans. Puis un jour, tout s’arrête brutalement, elle devient Méduse. Papillon n’est plus. Le mot viol est jeté comme un pavé dans la mare qui l’éclabousse de honte et culpabilité. Elle est souillée dans sa chair. Sa vie est foutue. Cette chose innommable qui l’a dépossédé d’elle-même est devenue son  ombre. Elle ne la quitte plus. En finir demeure une option…
Ses réunions en psychothérapie de groupe ne lui permettent pas de parler. Elle ne peut libérer sa parole pour se soulager. Elle écoute les témoignages des autres. Elle reste tétanisée. Son désespoir aiguise sa colère qui se déverse sur la vague Metoo dont les témoignages de viols et d’agressions sexuelles ont alimenté les réseaux sociaux. Méduse n’arrive pas à parler, à se libérer. Elle est enfermée avec son démon. Mais la parole peut trouver son chemin dans l’écriture. Soumise aux lois salutaires de la résilience, elle entrevoit la possibilité de se défendre et de se battre à la mesure de l’animal dont elle porte le nom.

Le déroulé de la mise en scène ne se donne pas de façon classique. Les fils de la narration nous font découvrir une mise en scène enlevée où le présent répond au passé de façon glaçante. Les réponses généralement apportées par la société ne sont pas à la hauteur des espoirs des victimes. Décevantes et servies avec la même constance navrante, elles pointent leur inutilité intrinsèque face aux attentes des victimes. La force de ce texte, à travers cette mise à nue pudique et puissante, marque les esprits sur ces situations hautement préoccupantes. Soulignons la performance de Mélie Néel qui interprète avec sensibilité et émotion le personnage de Méduse.  Ce spectacle, par la trace qu’elle imprime, ne s’efface pas si vite. De facto, le spectateur n’en ressort pas indemne.

Laurent Schteiner