Théâtre : « Le voyage de Molière » de Pierre-Olivier Scotto et Jean-Philippe Daguerre

Le Lucernaire met à l’affiche une reprise du Voyage de Molière de Pierre-Oliver Scotto et Jean-Philippe Daguerre. Ce voyage magique effectué dans le temps remue toutes les composantes de la création théâtrale du grand Molière. Ce témoignage, où l’imagination se joue de l’histoire, reconstitue cette période historique marquante de l’année 1656 où Molière n’était pas encore le roi incontesté du théâtre. Ce spectacle brillamment servi est un must à ne rater sous aucun prétexte. 

Le jeune Léo se rend à une audition en compagnie d’Emma, sa tendre amie. Ce jeune étudiant, féru de Molière entend tourner le dos à ses études de médecine pour devenir comédien. Son audition portant sur Molière, en déclamant une tirade du dépit amoureux, Léo s’évanouit. A la faveur de son étourdissement, son esprit vagabonde jusqu’à faire revivre cette année 1656, où, à Béziers, la troupe de Molière a créé précisément le Dépit amoureux. Intégré à cette troupe, le jeune Léo, devenu Léandre devient le témoin d’une histoire qu’il connait bien. Ce messager du futur se coule alors dans cette troupe qui subsiste au gré des tournées de par la France. Il y retrouve Madeleine  Béjart et sa fille Armande qui ressemble étrangement à Emma et qui lui voue un doux transport amoureux. Aux portes de Béziers où la Peste fait rage, la troupe arrêtée dans son élan ne peut jouer. Les discussions avec l’Evêque leur permettent d’obtenir un sursis de 12 jours, le temps pour Molière d’écrire une nouvelle pièce. Ce dernier se lamente de ne disposer que peu de temps à consacrer à la création. Mais Léo connait précisément ce moment historique où la carrière de Molière s’apprête à bondir pour installer une ferveur et une admiration qui ne se démentiront jamais à travers les siècles écoulés.

Une imposante scène servant de roulotte, de scène ou encore d’espace de vie constitue la scénographie modulable de cette pièce. Ce dispositif, conçu  ingénieusement et monté sur des roues en bois, se prête fort bien à chaque nouvelle ambiance. Le texte joliment écrit marie les vers de Molière aux accents de la Comedia dell’Arte où les comédiens s’en donnent à cœur joie. Les auteurs ont voulu également jouer sur la théâtralité de cet esprit de troupe qui rejoint celui d’une famille aux liens très forts. Ils ont jeté également les prémices de ce que sera plus tard l’idylle de Molière avec Armande Béjart. Tout est parfait et magnifiquement reproduit dans ce songe qui nous ramène au temps béni de cette période. Les comédiens, tous parfaits, nous font partager cette passion du théâtre qu’anime ce roi du théâtre. Saluons, enfin, les auteurs dont la verve et la faconde illustrent leur amour du théâtre.

Laurent Schteiner