Théâtre : « Le manteau » de Nicolas Gogol au théâtre de l’Opprimé

par | 10 Déc 2022

Le Manteau de Nicolas Gogol, que l’on peut voir actuellement au théâtre de l’Opprimé, est une nouvelle originale qui rappelle l’univers de Melville et notamment Bartleby. Publiée en 1843 parmi Les Nouvelles de Saint Pétersbourg de Nicolas Gogol, cette histoire confesse son rapport au fantastique que l’on retrouvera dans d’autres récits. Cette fable qui brille par son étrangeté, est interprétée  avec talent et truculence par Serge Poncelet.

L’action de cette nouvelle se déroule à Saint Pétersbourg. Le manteau, personnage principal de la pièce, constitue le vêtement idoine pour affronter les grands frimas qui touchent en hiver cette ville située au bord de la Néva. Mais Nicolas Gogol lui donne une autre ambition plus subtile, celle de protéger Akaki Akakievitch Bachmatchkine. Ce personnage s’avère être une des personnes rares dont la délicatesse et la faiblesse vivent à contre-courant d’une société dont les valeurs lui échappent totalement. Cet être paradoxal ne peut ressentir les sentiments qui tiennent ses compatriotes. De facto, Akaki Akakievitch vit à la lisière de l’enfance et du monde des adultes, perpétuellement perdu et éprouvé dans un univers qu’il ne comprend pas. Empêtré dans ses rêves et tenant par-dessus tout à une reconnaissance et une estime sociales, ce manteau symbolise cette chaleur sociale qu’il envie de toutes ses forces. Prêt à toutes les compromissions pour y arriver, au détriment même de sa propre estime, ce manteau constitue sa raison d’être.

Akaki Akakievitch est un petit fonctionnaire qui passe le plus clair de son temps à la copie d’actes administratifs. Refusant tout nouveau travail et toute responsabilité, il accomplit avec zèle ce travail qui lui assure joie et stabilité morale. Son manteau, sa protection intérieure qui l’anime le garantit contre le froid en le protégeant de tout ce qui pourrait perturber sa petite vie. Un jour, une catastrophe survient. Son manteau usé jusqu’à la corde doit être remplacé. Il lui faut acquérir un nouveau manteau de toute urgence auprès d’un tailleur. Mais le prix de ce nouvel habit s’avère hors de prix. Son obsession triomphe alors de sa raison. Son existence bascule, contraint malgré lui d’économiser kopeck après kopeck pour se procurer ce précieux vêtement si cher à ses yeux. Le jour où il peut enfin endosser son nouveau manteau, son existence s’illumine à nouveau. Akaki Akakievitch existe à nouveau. En rentrant d’une fête, il est malheureusement agressé et dépouillé de son précieux manteau… Désormais face à sa nudité sociale, sa vie basculera dans un univers fantastique inattendu.

En adaptant de façon burlesque cette nouvelle, et dans un souci du détail où le clown donne toute sa dimension à son personnage, Serge Poncelet revisite avec truculence cette oeuvre. Adaptant une gestuelle du corps, Serge Poncelet imprime à ce personnage tout un faisceau de sentiments qui caractérise Akaki Akakievitch. Sa démarche, son phrasé nous font vivre cette pauvre hère trop fragile pour ce monde sans pitié. Croquant une galerie de personnages qui entourent Akaki Akakievitch, Serge Poncelet donne vie à cette nouvelle de façon inattendue. Nous devenons les témoins de la chute de ce personnage inventé par Nicolas Gogol, qui avait connu très tôt les affres de la bureaucratie. En dénonçant ce monde étroit et railleur, Nicolas Gogol règlait ses comptes avec cette humanité qui l’avait fortement déçue. Sans cette déception, il ne serait jamais devenu ce géant de la littérature russe que nous connaissons.

Laurent Schteiner

 

 

Le Manteau de Nicolaï Gogol
Mise en scène Serge Poncelet et Guy Segualen

  • Adaptation et jeu : Serge Poncelet
  • Traduction : Eric Prigent
  • Scénographie : Serge Poncelet et Guy Segualen
  • Peinture toile : Anne-Marie Petit
  • Impression toile : APM
  • Costumes : Barbara Gassier
  • Accessoires : Guy Segualen
  • Création lumière : François Martineau
  • Régie son et lumière : Kevin Martin
  • Effets sonores : Ulrich Mathon

Théâtre de l’Opprimé
78-80 rue du Charolais
75012 Paris
Les mercredis, jeudis, vendredis et samedis à 20h30, le dimanche à 17h

jusqu’au 18 décembre 2022

 

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