Le courage de ma mère de George Tabori a été récemment porté à la scène. Ce texte ravive les souvenirs de sa mère pendant la seconde guerre mondiale en Hongrie. George Tabori nous livre avec humour et réalisme ce récit incroyable dans une mise en scène originale de David Ajchenbaum.
L’originalité de la mise en scène tient à la création même du récit qui se constitue au fil de l’eau. Roland Timsit, alias George Tabori, enregistre les bruits et les voix créant ainsi des ambiances utilisées avec a propos dans le déroulement du récit. Tel un homme-orchestre, il se dédouble sur scène pour raconter ce récit étonnant tout en assurant sa création sur scène. A la faveur du récit, la scène se mue en un studio d’enregistrement ou en une salle de jeu. La narration de George Tabari est entrecoupée par les interventions de sa mère qui s’amuse de la façon dont son fils raconte son histoire.
C’est avec humour et une certaine gravité qu’il narre l’histoire stupéfiante de sa mère. Celle-ci est arrêtée par la police hongroise alors qu’elle se rendait chez sa sœur. Elle se retrouve jetée dans un wagon à bestiaux en partance pour un camp. Les descriptions de la population raflée témoignent de la folie qui a présidé à cet événement tragique. La folie est partout. A l‘intérieur de ce wagon, un air mêlé d’insouciance et d’angoisse flotte contrastant avec la situation désespérée vécue par ces pauvres gens. Puis peu à peu, George Tabori nous dépeint l’horreur qui s’annonce à grands fracas. Ces mots sont simples, banals, presque désincarnés créant un hiatus sinistre avec la temporalité du moment. La Shoah s’invite alors sur scène avec son cortège d’imprécations, de misère, de bassesses et de violences. La culpabilité et l’incrédulité des survivants témoignent de ce décalage avec une réalité sanguinaire et horrifique. L’histoire souligne la banalité d’une journée d’été où le destin de milliers d’êtres humains allait basculer à jamais. Convoquer la Shoah avec des mots banals rend son histoire encore plus forte et intense.
Le courage de ma mère rend grâce à un destin bienveillant ou chanceux donnant tout son sens à l’incrédulité des survivants d’être toujours vivant. La pièce de George Tabori devient une caisse de résonnance où chacun peut évaluer la chance d’être là grâce à un heureux coup du sort frappant nos parents. Saluons la performance de Roland Timsit qui rend cette pièce vibrante et délicate ouvrant la voie à notre intimité !
Laurent Schteiner
Le courage de ma mère de George Tabori
traduction de Maurice Taszman
Mise en scène David Ajchenbaum
Avec Roland Timsit et la voix de Marion Loran
- Assistante à la mise en scène Déborah Földes
- Scénographie et Lumières Estaban (Stéphane Loirat)
- Son Nicolas Martz
- © Karine Lettellier
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