Le théâtre de Belleville vient de mettre à l’honneur un spectacle de François Hien, La Honte dans une mise en scène de Jean-Christophe Blondel. Ce spectacle fait écho à une actualité tristement florissante où la culture de la domination masculine souille des vies de femmes au plus profond de leurs âmes. Dans un texte fort bien écrit, François Hien y dessine les contours de l’inacceptable en mettant en perspective l’argumentaire de chacune des parties en présence.

Un éminent professeur d’université, Louis, reçoit chez lui une jeune doctorante, Clémence, pour discuter de sa thèse. A travers leurs échanges, il y voit comme une possibilité de la séduire. Du moins, il semble s’en convaincre. Il interprète certains éléments en sa faveur. De facto, sans contrainte physique ni expression claire de consentement, Louis entreprend Clémence. Quelques semaines plus tard, l’étudiante dépose une plainte en réclamant la tenue d’une commission disciplinaire publique. Pendant les travaux de cette commission où les protagonistes ont choisi de se présenter afin de répondre aux questions de deux membres de l’université. Géraldine s’attachera à défendre la plaignante alors que Mathieu tentera de disculper  Louis.

© François louchet

Si le propos semble surfer sur les réflexions nées du mouvement MeToo, François Hien prend soin de disséquer avec précision les ressorts de la domination masculine ainsi que les réactions féminines dans le cadre de cette agression. Comment qualifier et engager la responsabilité de Louis alors qu’aucune contrainte physique ni expression claire de consentement n’ont été détectées. Louis, mal à l’aise, joue sa réputation qui se trouve entachée et Clémence aspire à la reconnaissance de l’agression afin de commencer sa reconstruction. Comment expliquer l’absence claire de consentement ? François Hien, sans la dévoiler, pointe du doigt l’effet de sidération bien connu qui tétanise les femmes donnant ainsi l’impression d’un consentement tacite. L’homme, estimant le champ libre, dispose de la femme en la violant. C’est pourquoi il convient de nuancer la définition de viol en l’étayant. Le viol ne s’exerce pas toujours sous la contrainte et la violence mais également dans un cadre plus flou marqué par une absence de réaction. Ce dernier point constitue la pierre angulaire des débats de cette commission.

Cassant le quatrième mur, les personnages s’adressent à l’auditoire de l’université en le prenant souvent à témoin et en le faisant participer. Le texte de François Hien est puissant, précis et efficace. La mise en scène de Jean-Christophe Blondel est fluide. Les espaces et les lieux de cette histoire sont bien découpés. Les comédiens, tous formidables, sont fascinants de réalisme. Ils disposent d’une belle présence scénique qui apporte force et consistance au propos délicat de ce récit.

Laurent Schteiner

La honte de François Hien
Mise en scène de Jean-Christophe Blondel

avec John Arnold, Yannick Landrein, Noémie Pasteger et Pauline Sales

  • Musique : Rita Pradinas
  • Scénographie : Cerise Guyon
  • Lumières : Solange Dinand

Théâtre de Belleville
16 passage Piver
75011 Paris

Loc : 01 48 06 72 34

theatredebelleville.com

jusqu’au 30 novembre 2021

les dimanches à 20h,les lundis à 21h15, les mardis à 21h15, relâche le 16 novembre 2021

 

 

 

 

 

 

 

© francois louchet

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