Théâtre : « La double inconstance » de Marivaux
Jean-Paul Tribout nous offre au Lucernaire une des plus belles pièces de Marivaux, La double inconstance. Cette pièce flirte avec le libertinage mais également avec le cynisme d’une certaine caste de l’époque mettant en évidence les rapports humains affectifs dans toute leur complexité. Cette Å“uvre, qui explore la psyché humaine, décrit la volatilité de l’amour dans le couple. Ce sujet, merveilleusement traité par Jean-Paul Tribout, au travers de cette comédie rappelle quelque peu les liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos.
Une villageoise Sylvia, amoureuse de Arlequin, est enlevée par le Prince. Ce dernier a conçu le dessein de se faire aimer et de l’épouser. Flaminia, maitresse et complice du Prince, met au point un stratagème pour lui permettre d’arriver à ses fins. Elle-même se laisse aller à imaginer une union avec Arlequin. De cette partie de billard à plusieurs bandes, le Prince et Flaminia, à l’instar de Merteuil et de Valmont, entreprennent de briser une idylle entre Arlequin et Sylvia, afin d’assoir leur pouvoir sur ces deux êtres. En filigrane, on y décèle un certain sadisme à démontrer que l’amour est éphémère et à souiller les clichés sociétaux qui enjolivent un hymen éternel, voire une pureté énoncée. De quoi donner raison à Frederic Beigbeder ! Mais Marivaux va plus loin, permettant à cette société de piétiner les idéaux des plus défavorisés. A démontrer que les serments que sacralisent les amants ne sont que légèreté de l’âme, il n’y a qu’un pas ! De facto, Marivaux verse dans une forme de libertinage rejoignant ainsi l’Å“uvre de Choderlos de Laclos par son machiavélisme avéré.
Ce spectacle dispose d’une scénographie d’époque comportant des miroirs permettant aux protagonistes de suivre l’avancée de leur plan. Ce point d’observation des personnages s’avère glaçant dans cette froideur qui touche à leur machiavélisme. Les comédiens sont tous excellents dans cette farce grotesque et perfide. Saluons la performance de Marilyne Fontaine, femme fatale et sans scrupules qui joue avec les sentiments d’Arlequin pour mieux le conquérir en foulant aux pieds ses idéaux de pureté sentimentale. Anthony Audoux est parfait en un Arlequin très expressif, naïf et simple. Emma Gamet, excellente, incarne une Sylvia, amoureuse d’Arlequin mais également opportuniste. Baptiste Bordet joue une belle partition en un Prince, sûr de son pouvoir et de son attrait. Cette comédie de Marivaux, appelée également pastorale dramatique par certains où la naïveté se trouve en butte à l’immoralité de la Cour, consacre cette nostalgie du « naturel » célébrée au XVIIIe siècle.
Laurent Schteiner
« La double inconstance » de Marivaux
Mise en scène de Jean-Paul Tribout
Avec : Baptiste Bordet (le Prince), Marilyne Fontaine (Flaminia), Emma Gamet (Sylvia), Agathe Quelquejay et Lou Noérie en alternance (Lisette), Thomas Sagols et Anthony Audoux en alternance (Arlequin), Xavier Simonin (le Seigneur) et Jean-Paul Tribout (Trivelin)
- Collaboration artistique : Xavier Simonin Â
- Scénographie : Amélie Tribout Â
- Lumières : Philippe LacombeÂ
- Costumes :Â Aurore Popineau
- copyright Karine Lettellier
Lucernaire
56 rue ND des champs
75006 Paris
resa : : 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr
JUSQU’AU 3 NOVEMBRE 2024 À 19H DU MARDI AU SAMEDI, À 16H LE DIMANCHEÂ