La Compagnie En Verre et contre Tout nous a récemment présenté une très belle proposition, Je suis un oiseau de nuit, d’après l’ouvrage d’Hélène Bessette, Ida ou le délire. Ce spectacle sera prochainement programmé au Théâtre de l’Epée de Bois. La mise en scène originale de Laurent Michelin confère à ce spectacle un cachet qui se distingue par son espace de recherche au plus près du travail de la pantomime. 

Comment un fait divers de quelques lignes peut se transformer en un enquête policière passionnante ? Ida, femme de ménage chez Mme Besson est renversée par un camion. Projetée à 8 mètres, Ida est morte. Mme Besson s’interroge sur Ida, sa personnalité, ses habitudes. Au fond qui était  Ida ? Objet domestique et propriété de Mme Besson, personne ne comprend cette mort. Automate, femme-objet ou pantin, la vie de Ida est entourée de mystère. Certes, elle avait bien des manières curieuses comme celle de rester tard le soir pour arroser les fleurs. Devinant les questions de Mme Besson, Ida se bornait à répondre : je suis un oiseau de nuit ! Cette simple affirmation ouvre la voie à un abime de questions. Etait-elle malade ou psychologiquement dérangée ? Etrangement le personnage central de ce spectacle est absent et n’en finit pas d’occuper l’espace physique et mental. Mme Besson tire les fils narratifs de toutes les pistes envisageables recherchant des éléments de réponses à cette mort inexplicable et dérangeante. Un oiseau de nuit peut-il être la part nauséabonde d’un être partagé entre deux réalités ? Ida, spectre ou réalité, nous échappe. Entre tangibilité, délire ou cauchemar, la narration nous perd à dessein jusqu’à l’ultime révélation.

Ida est interprétée par une comédienne masquée dont la ressemblance avec Mme Besson est troublante. Sur l’espace scénique, elle donne corps au personnage d’Ida, en endossant la gestuelle de la pantomime accusant de facto une dichotomie. Tous les contraires s’affirment et se font face : absent / présent, être de chair / statue, réalité / fantasme… Mais à ce jeu, qui est la pantomime de qui ? Qui tire les ficelles ? Saluons le magnifique travail d’interprétation de Christine Koetzel qui donne au personnage de Mme Besson une dimension dramatique puissante. Laurent Michelin accomplit un joli travail d’orfèvre dans cette mise en scène éclairée par la folie de la réalité. « De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par l’homme fou ». (Michel Foucault)

Laurent Schteiner