Théâtre : « Islande entre ciel et texte », un voyage littéraire et musical proposé par Claude Bonin

Amoureux des beaux textes, Claude Bonin poursuit sa recherche à travers les oeuvres islandaises. Cette fois, il nous propose un voyage littéraire et musical en terre d’Islande en 4 escales autour de quatre merveilleux auteurs : Jon Kalman Stefanson, Kristin Marja Baldursdottir, de Sjon et enfin les contes islandais recueillis par Jon Arnason. Empruntant des extraits à ces oeuvres, il nous offre un voyage dépaysant sur cet archipel que les dieux semblent avoir déshérités mais dont les âmes lui confèrent la véritable nature de sa richesse. Un spectacle empreint de beauté, de poésie, de musicalité et d’aventures auquel le public répond avec ferveur. 

Le spectateur se retrouve très vite projeté au coeur de cet archipel battu par les vents et les embruns, sur une terre aride, difficilement féconde, où les contrastes de la nature sont de toute beauté. Mais qu’on ne s’y trompe pas, cette vie rapportée par ces auteurs est pauvre et dure. Il faut posséder un coeur énorme pour y vivre et y survivre. Les descriptions de ces auteurs, mises à l’honneur par Claude Bonin, témoignent de la pénibilité à survivre aux avanies de ce pays où la tragique beauté nourrit l’espoir et l’effort de ces hommes appelés à combattre cette nature inhospitalière. De la fin du XIXe au début du XXe siècle, ces textes nous transportent sur les routes maritimes autour de ce pays où les codes urbains soulignent les difficultés d’un déracinement de familles avides de changer de vie. Karitas, l’esquisse d’un rêve de Kristin Marja Baldursdottir en est l’illustration. On relève cette image stéréotypée d’une société où la vertu de l’instruction et du travail appartiennent à l’homme alors que la domesticité demeure l’apanage de la femme. Mais la vie des pêcheurs à la morue apporte également son lot de contraintes et d’abnégation où parfois une erreur d’appréciation, un oubli peut s’avérer fatal. La nature ne pardonnant pas certaines erreurs. Dans Entre ciel et terre de Jon Kalman Stefanson, on retrouve ce délicat équilibre établit entre l’homme et la nature où un malheureux effet de balancier peut s’avérer tragique. Mais l’âpreté des rapports se lit également entre hommes où la misère défie parfois l’humanité des sentiments. Mais si l’homme est un loup pour lui-même, il l’est également pour les animaux. Mais à son corps défendant, il n’est pas toujours sûr de l’emporter. Le moindre des mondes de Sjon  nous transporte dans cette réalité glacée aux interpénétrations de ces deux mondes. Ce voyage ne serait s’achever sans un conte, qui représente l’identité littéraire et populaire de ce pays. Les contes islandais, véritable tradition culturelle littéraire, sont issus d’un brassage de population celte et germanique lors de sa colonisation. L’insularité en se superposant a donné une nation de grands conteurs.

Ce voyage au long cours, entrecoupé d’escales, et proposé par Claude Bonin nous a fait découvrir ce merveilleux pays où la poésie de la littérature islandaise feuillette l’histoire des hommes qui ont forgé cette nation. La musique extatique de Christine Kotschi est proprement envoutante. Ses instruments de musique, à contrecourant de la culture islandaise, sert à la perfection le propos de ce spectacle. Des instruments comme le Reckchek (un violon persan), ou le sansula, adapté de la kalimba africaine, Christine Kotschi  travaille également, pour les percussions, avec des bols tibétains. Saluons le travail prodigieux de Christine Kotschi, qui en créant un paradoxe musical, complète harmonieusement la passionnante narration de Bénédicte Jacquard.

Laurent Schteiner