Connu pour son goût pour la farce et le grotesque, Jean-Louis Benoît met en scène le Huis-clos de Jean-Paul Sartre, dans une version très moderne, dotée d’une forte dimension comique. Écrite en 1943 cette pièce, à travers le prisme du courant existentialiste, définit  l’être humain en fonction de ses actes. 

Cette pièce illustre le passage de trois personnages dans un lieu inconnu, voués à demeurer ensemble pour le meilleur et surtout pour le pire. L’Enfer s’ouvre sous leurs pas. Sur le plateau, on distingue trois canapés recouverts de bâches en plastique, un guéridon, une cheminée sur laquelle est posé un bibelot. Rien d’autre n’occupe cet espace, sinon une imposante porte rouge encastrée dans un praticable, au centre du plateau. Cet endroit doit devenir le théâtre des confidences de ces trois  personnages, même les plus inavouables…

Au commencement, un portier introduit tour à tour dans cet espace : Garcin, journaliste pacifiste et homme de lettres, Inès une employée de poste d’âge mûr, lesbienne, Estelle, une jeune femme de haute condition. Chacun de ces protagonistes a un passé lugubre et sera amené à découvrir les mauvaises actions commises sur terre par les uns et les autres et qui de facto les ont conduit en Enfer. 

crédit photo Pascal Victor

Si la sobriété caractérise cette mise en scène, elle laisse toute la place à la prose et à la philosophie particulière de Jean-Paul Sartre, tout en créant une emphase sur certaines formules lourdes de sens. En effet, la couleur de la tenue vestimentaire des trois protagonistes n’est pas sans nous rappeler celle des 3 canapés placés dans la pièce, soulignant le postulat d’Inès convaincue que rien n’est le fruit du hasard. Selon elle, tout a été calculé, à commencer par le fait de les réunir dans cette salle fermée à clef de l’extérieur. Ils ne le savent pas au départ, mais leur entrée dans ce salon annonce le début de la longue pénitence douloureuse et interminable qui les attend. Le vide caractéristique de cette scénographie rend compte de la solitude intérieure, étouffante et insoutenable de ces trois individus. Se voir contraint d’interroger inlassablement sa nature sordide et malsaine, constitue, aux yeux de Garcin, une souffrance pire encore que la torture physique à laquelle il pensait être condamné. Supporter la présence des autres apparaît pour chacun l’ultime façon d’expier leurs mauvaises actions commises par le passé. 

Ce spectacle tout en contraste, à la fois drôle et grinçant, est tenu de bout en bout par une très belle distribution. On saluera la remarquable performance de Maxime d’Aboville en homme cynique et mysogine, Marianne Basler dans son rôle de femme fatale perverse et manipulatrice, et enfin Mathilde Charbonnier en femme mondaine et faussement coincée. Jean-Louis Benoît fait le pari audacieux et intelligent de remettre au goût du jour cette pièce peu représentée au théâtre. Ce spectacle fait écho à la période de confinement que nous avons connu relayant son lot d’émotions, de ressentis voire de douleurs morales. 

Marie-Amélie Lorho

 

Huis-clos de Jean-Paul Sartre
Mise en scène : Jean-Louis Benoît

Avec Marianne Basler, Mathilde Charbonneaux, Maxime d’Aboville, Antony Cochin, Guillaume Marquet, Brock

  • Scénographie : Jean-Louis Benoit et Antony Cochin
  • Collaboration artistique et régie générale : Antony Cochin
  • Lumières: Jean-Pascal Pracht
  • Costumes: Marie Sartoux
  • Régie lumière et son: Emmanuel Jurquet

Lieu : Théâtre de l’Atelier,  1 place Charles Dullin Paris 18e

https://www.theatre-atelier.com

Réservation : 01 46 06 49 24

Du 2 février au 26 mars 2022 à 19h

Genre : Théâtre contemporain
Durée : 1h20

 

 

 

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