Phénix Festival : Focus sur la mise en scène de Tatiana Gousseff, metteuse en scène de « Hépatik Girl » »

par | 27 Avr 2023

Dans le cadre du Phénix Festival, Tatiana Gousseff, co-autrice et metteuse en scène nous livre les clés de sa mise en scène du spectacle Hépatik Girl. Cette création a été plébiscitée par l’édition 2023 du Phénix et sera à l’affiche du Studio Hébertot les 9 et 10 juin prochain à 19h et le 11 juin à 17h. Découvrez le focus passionnant de cette mise en scène. 

Quelle est la genèse du projet ?
À l’origine, il y a le désir de Marie-Claire Neveu de transcender son expérience de la maladie à travers un spectacle et d’en profiter pour poser des questions de sociétés. Puis, à sa demande, j’ai fait des retours sur deux versions de son texte d’origine. Ces échanges ont lancé la question de la coécriture, à mon avis pertinente pour creuser un sujet aussi intime. Je trouvais aussi le projet passionnant, et très excitante la perspective de travailler avec une artiste aussi engagée dans le travail et dans ses convictions.

 Comment vous est apparue la mise en scène ?
L’enjeu principal était de décoller Marie-Claire de sa propre histoire, d’apporter de la théâtralité et de la distance à l’expérience intime pour ne pas tomber dans la complaisance ; et d’ajouter la notion de « spectacle ». De l’humour, de la danse, du slam, … sont autant de ruptures de style qui participent à cette notion d’un « spectacle » vivant, plein d’énergie et d’optimisme.

 Quelles contraintes vous sont apparues sur le plateau ?
Aucune, mais un « deal » de départ : écologiste, Marie-Claire voulait que le spectacle ait un impact carbone minimum et puisse tourner en train ; donc avec une grande sobriété scénographique. Attentive aux problèmes d’écologie sur les tournages, je n’avais jamais pensé de cette manière au théâtre. Cette exigence, cohérente avec le sujet du spectacle, m’a éveillée à la nécessité d’une réflexion plus large sur l’exercice de notre métier aujourd’hui.

Quelles libertés par rapport au texte vous êtes-vous donnés ?
Quand on pense un texte de théâtre à partir d’un matériau autobiographique, on est obligé de faire des choix. Il y a des éléments qui appartiennent à la vie de l’actrice, constitutifs de son récit, mais qui pour autant ne vont pas forcément servir la dramaturgie. On ne peut pas tout dire,  et avoir du recul permet de faire des choix plus objectifs. Si nous avons conçu le texte à deux, certaines coupes étaient une condition sine qua non pour que je m’empare de la mise en scène.

Comment s’est déroulé la direction d’acteur ?
Elle a commencé très en amont, pour les lectures publiques. La maladie étant un sujet tabou, il fallait donner le ton du futur spectacle : de l’élan, de la fantaisie,  de l’humour, des ruptures de style, de la pédagogie, du rythme. Tout ce qui compose un voyage épique. Lorsque nous sommes passées au plateau,  on a franchi une étape en termes de rigueur et de précision, autant sur les intentions de jeu et le travail de la pensée, que sur le corps : tenu, vecteur de l’émotion, mais jamais submergé. Cette précision est parfois éprouvante dans le travail, mais je suis convaincue qu’elle donne un cadre fort pour s’épanouir quand tout est digéré, et qu’elle rend beaucoup de choses plus audibles que dans la vie réelle.

Un mot pour définir votre mise en scène ?
Au service de l’actrice avant tout,  avec une direction d’interprétation très précise.

Avez-vous un souvenir marquant à nous partager ?
Nous sortons d’une résidence en Bretagne. Pour la restitution, nous avons joué pour la première fois avec les déplacement, les costumes et la bande son. Les visages et les réactions des gens à la fin du spectacle, bouleversés, nous ont marquées.  Lorsqu’on prend en charge une histoire personnelle, les enjeux sont plus forts que pour une fiction. On a une responsabilité. J’ai eu le sentiment que nous étions au bon endroit de notre travail. Mais on sait que tous les publics sont différents et que rien n’est jamais acquis.

Propos recueillis par Laurent Schteiner

copyright Coralie Daudin

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