Phénix Festival : Focus sur la mise en scène de Sébastien Bizeau, metteur en scène de « Heureux les orphelins »

par | 15 Mai 2023

Dans le cadre du Phénix Festival, Sébastien Bizeau, auteur et metteur en scène, revenant sur l’essence de sa mise en scène Heureux les orphelins, nous livré un entretien passionnant. Sa création sera à l’affiche du théâtre des Déchargeurs les 3 et 4 et 18 juin à 16h.

Quelle est la genèse du projet ?
J’ai commencé à écrire une première version du texte où l’on retrouvait les enjeux liés à la question du langage, son rôle en politique, dans le monde de l’entreprise ou sur les réseaux sociaux, avec comme colonne vertébrale une tragédie familiale qui incarnait tout cela. Et j’ai eu l’envie, pour montrer qu’il s’agissait de phénomènes de domination aux formes insidieuses, de faire dialoguer ce premier texte avec un mythe ancestral où la violence est brute, physique. Donc, une tragédie grecque où l’on viendrait remplacer les armes par les mots. D’où cette création inspirée d’Electre de Jean Giraudoux, où la tragédie familiale dialogue avec des éléments contemporains, le tout sans une goutte de sang mais non sans violence !

Comment vous est apparue la mise en scène ?
La mise en scène m’est apparue progressivement à mesure que j’écrivais. Cela étant, j’ai volontairement procédé en deux temps. D’abord, le temps de l’écriture, enrichi ensuite par des regards extérieurs, avant d’en arriver à la question du montage. L’idée était de ne pas brider cette écriture en anticipant le processus de montage, qui ramène inévitablement à des questions d’ordre pratique. Mais je savais d’ores-et-déjà que je voulais avoir beaucoup de comédiens, encore plus de personnages, et une succession de lieux qui s’enchaînent.

Comment s’est déroulée la direction d’acteur ?
J’ai beaucoup insisté pour qu’on travaille sur la sincérité des personnages. Bon nombre d’entre eux sont enfermés dans leurs éléments de langage mécaniques et se retrouvent dans des situations paroxystiques. Il fallait donc veiller à ne pas jouer une caricature de ces personnages mais bien à trouver leur sincérité, y compris dans leur utilisation dévoyée du langage. Il s’est donc agi de rechercher la vérité chez chacun d’eux, et développer une empathie avec chacun de ces personnages.

Un mot pour définir votre mise en scène ?
« CUT » ! L’idée était d’avoir des enchaînements instantanés de scènes, la lumière venant sculpter les espaces pour que l’on n’ait pas d’éléments de décors lourds à bouger pour changer de lieu. Je voulais aller au bout de l’idée selon laquelle on retrouve les mêmes phénomènes de détournement du langage dans différentes sphères, et donc pouvoir naviguer rapidement d’une scène à une autre, avec les derniers mots d’une séquence qui deviennent les premiers de la scène suivante.

Avez-vous un souvenir marquant à nous partager ?
La pièce aborde la question de la réglementation des pesticides, et de l’incapacité des pouvoirs publics à prendre des décisions et assumer ses choix. A la fin du processus de création l’année dernière au Théâtre de l’Atelier, on se disait que cette question finirait peut-être par être résolue, et notre sujet caduque… Or, quelques jours après, la bataille sur la prolongation du glyphosate a été relancée à Bruxelles, avec la certitude qu’on en reprenait pour des années. C’est exactement la situation que nous avons dans le spectacle, et l’actualité nous a malheureusement rattrapés.

Propos recueillis par Laurent Schteiner

 

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