La mise en scène de Léna Bréban est riche en trouvailles de toutes sortes imprimant un rythme alerte conditionnant un déroulé narratif très plaisant. Les vidéos où Claudine, clone de Colette, lui donne la réplique avec humour sont proprement truculentes. Mais Cléo Sénia ne se contente pas de narrer la vie extraordinaire de Colette. Femme libre et  inspirante en son temps, mariée à 3 reprises, femme de lettres, journaliste, danseuse et effeuilleuse, elle réussit à s’imposer dans une société patriarcale. Sa bisexualité, affirmée et revendiquée, occupe une large place dans sa vie et son œuvre en traduisant la liberté de montrer et de disposer de son corps comme un pied de nez à la moralité de l’époque. Deuxième femme à être élue membre de l’Académie Goncourt en 1945, elle en deviendra par la suite présidente entre 1949 et 1954. Elle sera la première femme à recevoir des funérailles nationales.

Cléo Sénia, avec humour et décalage, entretient un parallèle avec notre temps en jouant sur les espaces poreux de notre société. Les réseaux sociaux, qui condamnent la nudité des peintures où celle de corps nus, bâillonnent avec hypocrisie, de la même manière, le corps de la femme. Reprenant à son compte cette revendication, Cléo Sénia se démultiplie sur scène en revendiquant l’effeuillage dans des respirations musicales chorégraphiées empreintes d’une belle esthétique. Cléo Sénia dispose d’un narratif percutant où s’adressant au public, elle n’hésite pas à casser le quatrième mur en l’intégrant dans son spectacle. A travers son personnage, Cléo Sénia s’est emparée avec force de cette femme hors-normes, drôle, pétrie de talents et diablement sensuelle. Soulignons sa performance étonnante qui consacre un spectacle, tant étourdissant et virevoltant que nécessaire et salutaire. Il vient en appoint d’un combat que mènent les femmes dans notre société pour affirmer leur liberté et revendiquer une plus juste égalité entre les sexes.

Laurent Schteiner