Festival Humour et Eau Salée : « Enfin vieille ! » de Laura Elko

Dans le cadre de ce festival, Laura Elko nous a proposé un très joli seul en scène décalé et intimiste, sous le regard éclairé de Trinidad.  Accompagnée de son doudou fétiche, Adalbert, elle nous révèle avec dérision et tendresse sa part d’enfance où pointe une somme légitime de points d’interrogation.

Juchée du haut de ses 30 ans, Laura concède que sa vie s’est plutôt montrée généreuse à son égard : un bon métier, un futur époux parfait… Adalbert, sa marionnette se charge de bousculer ses certitudes en l’amenant à explorer sa part d’enfance. Etablir ce petit bilan revient à mettre en adéquation ses rêves d’enfant et la réalité de son existence. Sommes-nous amenés à trahir nos rêves d’enfant au profit du pragmatisme que nous impose la vie ? Laura s’empare de cette problématique avec humour et décalage en convoquant une galerie de portraits savoureux tels que sa grand-mère hongroise, une psy ou son père qui l’éclairent sur le déroulement de sa vie. Adalbert en doudou irrévérencieux la pousse dans ses derniers retranchements. Ce couple fonctionne à merveille grâce à la virtuosité de ventriloque que possède Laura Elko. A ce titre, elle réussit à dissocier la marionnette d’elle-même en établissant son propre prolongement. Cette petite voix intérieure ne la quitte plus au cours des plusieurs tableaux qui composent ce spectacle. S’appuyant sur le public, elle nous montre toute l’étendue de son talent de ventriloque en multipliant les voix de façon irrésistible, notamment en invitant le personnage de son père sur scène. Nous montrant toute l’étendue de son talent de chanteuse, elle nous régale de sa voix lyrique ou encore d’une magnifique chanson en Yiddish. A la faveur des recommandations de sa grand-mère, elle voit ses attentes récompensées par une courte philosophie de vie consistant à associer la vieillesse à la liberté. La joie d’être libre de tout dire, d’être authentique et de ne plus se soucier de jouer un quelconque rôle dans notre société. Cette affirmation « Enfin vieille ! » devient ainsi pour Laura le Graal à atteindre. Malgré cet enjeu attrayant, personne n’est jamais vraiment pressé…

Laurent Schteiner