Salomé Villiers, metteure en scène et comédienne nous présente son dernier spectacle, La Grande Musique, à l’occasion du Phénix Festival qui sera à l’affiche du théâtre La Bruyère du 17 au 20 juin. Ce préalable à Avignon sera l’occasion de découvrir en amont ce magnifique spectacle chargé d’émotions. Découvrez cette artiste attachante et passionnante !

Comment avez-vous vécu le confinement ?
J’ai ressenti de la frustration d’arrêter de travailler car j étais en pleine création lorsque le 1er confinement est arrivé. J’étais en train de répéter Badine qui va se jouera à Avignon à 14h45 aux Gémeaux. C était très stressant et on ne savait pas vers quoi on allait. Du coup, j’ai profité avec mon mari pour achever l’adaptation d’une pièce que je proposerai au théâtre de La Huchette l’année prochaine,  Le Montespan de Jean Teulé.

Comment est née cette pièce ?
En 2018  j’ai rencontré Stéphane Guérin sur Kamikaze mis en scène par Anne Bouvier. On jouait au théâtre Buffon et le coup de foudre s’est immédiatement opéré avec cette troupe. On était 7 acteurs dont Anne Bouvier, avec Denis Koransky à la lumière et Raphaël Sanchez à la musique. Nous avions vécu un Avignon formidable. Stéphane m’a proposé de continuer à travailler ensemble afin que je m’occupe de la mise en scène de l’un de ses spectacles. Etant fan de son univers, j’ai accepté immédiatement. J’aime sa plume ! C’est un Lagarce « punk » très tendre. Je lui ai alors parlé d’une distribution. Et sans se consulter, il a écrit La Grande Musique en novembre 2018. Depuis cette date, l’Å“uvre  a bien sûr évolué. La caractéristique de ce spectacle en est la psychogénéalogie. Je rêvais de monter la trilogie d Eugène O’Neill le deuil sied à Electre qui est une forme de psychogénéalogie. On y parle des atrides remixés dans un contexte de guerre de sécession. J’adore le théâtre classique, ce théâtre mythologique qui descend des grecs. Je l’ai beaucoup étudié au Lycée  en option théâtre. Tout part de là. Les grecs ont tout inventé (rires). C est comme ça que le projet est né.

Quel est le sujet de la pièce ?
Il est question de psychogénéalogie transgénérationnelle ou comment on peut être porteur du trauma qu’ont vécu nos ancêtres sans même être au courant de ce qui s’est passé.

Comment vous avez travaillé avec Raphaël Sanchez ?
Raphaël est un compositeur talentueux. Il était là dès le début du projet réalisant déjà le paysage sonore lors des lectures. Et pour ce projet, il a eu carte blanche.

Pensez-vous que la psychogénéalogie constitue une forme de catharsis à cette problématique familiale ?
Oui bien sûr, la psychogénéalogie est reconnue comme une véritable médecine depuis les années 70 et elle n’a cessé d’acquérir des lettres de noblesse. Le personnage d’Esther mène une enquête qui lui permet de récupérer les histoires et de comprendre le cheminement de ce trauma qui l’a altérée physiquement. Cette compréhension des choses va l’aider à guérir physiquement et émotionnellement. Je n’en dirai pas plus pour ne pas déflorer l’intrigue.

Comment avez-vous constitué l’équipe de comédiens ?
L’équipe de comédiens a beaucoup évolué suite à des impossibilités de planning. Mais les comédiens empêchés se sont portés volontaires pour une alternance. Ce qui m’a touché. Le reste était évident ! Hélène Degy, Etienne Launay et Pierre Hélie étaient présents depuis le début, Stéphane leur ayant écrit des rôles sur mesure. Bernard Malaka, Raphaëline Goupilleau et Brice Hillairet nous ont ensuite rejoints. Brice a une élégance poétique que je trouve très jolie dans le personnage de Marcel et qui me faisait penser à Roberto Begnini dans La vie est belle. Je souhaitais amener beaucoup de légèreté dans ce personnage car ce qu’il vit est tellement atroce. Il tombe amoureux dans un camp de concentration. Pour le coup, ce Roméo et Juliette incarné dans un ailleurs horrible est magnifique. Enfin, je suis complètement fan de Rapha et de Bernard. Rapha, depuis que je l’ai rencontrée sur Kamikaze, et Bernard, sur Badine, sont 2 comédiens extraordinaires qui disposent d’une densité, d’une élégance, et d’une palette d’émotions qui me bouleversent à chaque fois que je les vois. Ils procurent à ce couple une force et une sensibilité que j’ai rarement vues.

Comment avez-vous travaillé la mise en scène ?
On a travaillé à la table pendant 2 ans puisqu’on a fait des lectures publiques. Puis on est passé au plateau il y a 5 semaines. Il y a des choses très naturelles qui sont restées car travaillées à l a table et le plateau nous a demandé d’élargir. La scénographie a été complexe à élaborer car il nous fallait un décor qui puisse signifier tous les endroits en même temps. Et de plus, je ne voulais pas perdre de temps avec des changements de décors incessants. George Vauraz nous a créé une très belle scénographie répondant à toutes mes attentes.

Quels sont vos projets à venir ?
Stéphane Guérin a achevé l’écriture d’un nouveau projet où je serai comédienne. Anne Bouvier en signera la mise en scène. Ce spectacle, autour de la peintre Berthe Morisot, est une pièce historique qui raconte l’histoire de cette femme extraordinaire. Nous voulions écrire une pièce historique pour montrer également l’époque de la Commune (qu’on connait moins bien). A travers cette guerre civile sanglante, énormément de choses se sont passées dans les mentalités à cette époque. Cette femme m’a bouleversé par ses liens forts avec sa mère et avec sa sÅ“ur mais également avec un personnage important Edouard Manet, son beau frère. Donc 2 sÅ“urs et 2 frères ; tous les 4 peintres. Et une mère pétrie de paradoxes, à la fois conservatrice et remplie d’idées modernes. Pour preuve, elle met ses filles à la peinture pour en faire des peintres. Soulignons qu’à l’époque, la peinture n’était qu’un passe temps pour les femmes. Mais avec Stéphane, même lorsqu’on feuillette l’Histoire, on revient toujours à l’intime. (sourire). On retrouvera Anne Bouvier, Raphaëline Goupilleau… qui jouent également dans La Grande Musique.

Propos recueillis par Laurent Schteiner

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