Ivanov d’Anton Tchekhov mis en scène par Luc Bondy s’est joué récemment au Théâtre de l’Odéon et sera repris au mois d’avril aux Ateliers Berthier. Ce spectacle de toute beauté est une des œuvres les plus noires de Tchekhov où l’on assiste à la décomposition d’une société bourgeoise qui s’étiole à l’image de son héros, Ivanov.

Ivanov, propriétaire terrien est marié à Anna Petrovna, une femme vive, intelligente et follement amoureuse de son mari. Malade depuis peu, elle ne peut que constater l’humeur de son époux devenue soudainement mélancolique. Son médecin révèle à Ivanov qu’elle a contracté la tuberculose et que ses jours sont comptés. Ivanov semble détaché de tout à l’image de ses affaires qui périclitent. Cependant il ne se lasse pas de fréquenter une certaine société, qui s’effondre d’elle-même, remplie de vacuité et d’ennui. Devant ce sort accablant, l’homme semble frappé d’immobilisme et de culpabilité en se dérobant à tout et à sa vie.

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Tchekhov reprend ici son thème de prédilection en mettant en exergue une fois encore ce monde qui s’écroule. Cette société de petit-bourgeois, archaïque, antisémite, stupide et méchante devient le symbole de ce qui le ronge jusqu’à l’impuissance. A l’image de cette dégénérescence de cette société, cet anti-héros, dont la vilénie est patente, est animé d’une pulsion de mort et d’un vague désir de vivre. Devant son lot de contingences à respecter, il s’étonne lui-même de sa faiblesse et devient spectateur de sa vie. Une faiblesse qu’il n’arrive même pas à mettre en valeur. Ivanov ou la chronique d’une fin annoncée frappe par la brutalité de son mal-être et par le dégoût de cette société qui l’oppresse et dont il se sent le prisonnier.

La mise en scène de Luc Bondy est superbe et prodigue à cette pièce toute la dimension de fin d’un monde contenue dans l’œuvre de Tchekhov. Saluons les performances de Marina Hands et de Micha Lescot tout juste incroyables. Micha Lescot est Ivanov dans son corps et dans son esprit. Il se déplace dans l’espace tel un zombie, se liquéfiant sur place ou se trainant à quatre pattes. Cette posture lui confère en même temps un détachement qui lui colle à la peau à la perfection. Marina Hands, criante d’authenticité, joue avec ce talent qu’on lui connait et assure une très belle partition de jeu. Les scènes empreintes d’un ennui sidéral sont d’une exceptionnelle force ancrant le propos dans sa noirceur originelle. Courez voir cette pièce magnifique qui reprend au mois d’avril au théâtre de l’Odéon (Ateliers Berthier).

Laurent Schteiner
 
IVANOV d’Anton TCHEKHOV
mise en scène Luc BONDY

Marcel BOZONNET, Christiane COHENDY, Victoire DU BOIS, Ariel GARCIA VALDES, Laurent GREVILLE, Marina HANDS, Yannik LANDREIN, Roch LEIBOVICI, Micha LESCOT, Chantal NEUVIRTH, Nicolas PEDUZZI, Dimitri RADOCHEVITCH, Fred ULYSSE, Marie VIALLE, et, en alternance, les musiciens Philippe BORECEK (accord̩on) РPhilippe ARESTAN (violon) et Sven RIONDET (accord̩on) РAlain PETIT (violon), et les invit̩s Nikolitsa ANGELAKOPOULOU, Quentin LAUGIER, Missia PICCOLI, Antoine QUINTARD, Victoria SITJA
©Thierry Depagne
Théâtre de L’odéon
Réservations : 01 44 85 40 40

du 7 avril au 3 mai 2015
www.theatre-odeon.eu

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