Timon d’Athènes constitue une pièce jubilatoire peu jouée et tirée du répertoire Shakespearien. C’est donc avec plaisir que nous avons découvert cette création de Cyril Le Grix au théâtre de la Tempête. Ce faisant, il nous a proposé un Timon étincelant dans une mise en scène très léchée et servie par un magnifique jeu de comédiens.

Timon d’Athènes est avant tout une fable qui s’apparente à une comédie noire et grinçante. Mais cette tragédie renferme tous les ressorts d’une beauté pure et crédule qui se garde d’envisager la cupidité humaine. Cette crédulité, aux confins de la folie malgré la réalité des faits, porte en elle le germe de la faillite et de l’ingratitude. La trahison devient le corolaire des bienfaits dispensés. Si l’absurde confine au burlesque, c’est pour mieux préparer un propos qui déstabilisera chacun de nous par une absence caractérisée de violence. Cette dernière est plus sourde, plus insidieuse et donc plus implacable.

Timon est un riche notable, qui jouit de la vie, entourés d’amis flatteurs et profiteurs. Les festins et les largesses de Timon sont légions. Mais les dettes s’accumulent et Timon se tourne vers ses « amis » pour obtenir un salut afin de redresser ses affaires. Mais leur réponse sera à la hauteur de leur intéressement. Dégouté, Timon s’enfuit sur une plage déserte où il ne tarde pas à découvrir un trésor. Revenu de tout et surtout de l’âme humaine, Timon offre une autre facette de sa personnalité. Il bascule d’une extrême à l’autre. D’altruiste il en devient misanthrope. Les discours, qui l’animent avec Apémantus, le renforcent à renoncer à cette philosophie humaniste qui le caractérisait. Donnant son trésor aux ennemis d’Athènes, Timon s’enferme dans sa spirale d’autodestruction. Malgré les appels à l’aide des sénateurs d’Athènes face à Alcibiade qui menace l’intégrité de la ville, Timon reste de marbre et se réfugie dans sa haine et son orgueil.

La mise en scène de Cyril Le Grix est fluide, limpide et efficace Elle s’appuie sur une belle scénographie dont le pont d’orgue est l’apparition de la carcasse d’un navire échouée sur cette grève Les comédiens sont excellents mais il convient de saluer Patrick Catalifo (Timon) pour sa magnifique performance. On regrettera seulement les transitions chorégraphiques qui n’apportent rien au propos. Hormis ce léger détail, Cyril le Grix a frappé fort en nous proposant un Timon d’Athènes étincelant et dont les résonances avec notre époque portent à sourire. Shakespeare par-delà les siècles se rappelle à nous par sa permanence et son génie. L’humanité n’a guère changé, hélas !

Laurent Schteiner
 
Timon d’Athènes de William SHAKESPEARE
Adaptation et mise en scène de Cyril LE GRIX
Avec Patrick CATALIFO, Xavier BAZIN, Philippe CATOIRE , Thibaut CAURION, Thomas DEWYNTER, René HERNANDEZ, Maud IMBERT, Jérôme KEEN ? Alexandre MOUSSET,  et  Carole SCHAAL.
Musiciens : Karim TOURE (percussions), Florent HINSCHBERGER  (trompette) et Jon LOPEZ DE VICUNA (saxo ténor, baryton et flûte traversière)

  • Scénographie : Benjamin GRABRIE
  • Construction : Rémi CASSAN
  • Lumières : Carole van BELLEGEM
  • Costumes : Cécile BOX et Maguelone JACQUEMEONT
  • Création sonore et composition musicale : Julian JULIEN
  • © Antonia Bozzi

Théâtre de la Tempête
Route du Champ de manœuvre
75012 Paris
Du 2 mars au 2 avril 2017
tel : 01 43 28 36 36
du mardi au samedi à 20h , le dimanche à 16h

www.la-tempete.fr

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