Après son diptyque « Au delà des ténèbres » Simon Abkarian revient avec sa troupe au Théâtre du Soleil et s’attaque cette fois au mythe d’Électre. Il nous offre une réécriture lumineuse et haletante de la tragédie, auréolée par l’énergie débordante de ses acolytes et une esthétique chiadée. Un travail de troupe remarquable à découvrir jusqu’au 3 novembre.

C’est la fête des morts dans le quartier pauvre d’Argos. Devenue servante dans un bordel Électre ronge sa haine et sa colère contre sa mère Clytemnestre. Celle-ci s’affiche sans complexe avec son amant Egisthe et n’éprouve visblement aucun regret après l’assassinat du père et roi Agamemnon. À force de complaintes et de prières, Oreste le frère vengeur est en chemin…

Simon Abkarian formé au Théâtre du Soleil a déjà eu l’opportunité plusieurs fois d’y créer ses spectacles, il connaît donc le plateau d’Ariane Mnouchkine comme sa poche et l’on sent dans son travail cette aisance d’être à la maison, il y a en effet ici une atmosphère bienveillante et conviviale que l’on aime retrouver dans ce lieu emblématique de la Cartoucherie. Accompagné par sa troupe, comme entouré de sa famille il propose une réinterprétation du mythe d’Électre, un texte puissant aux accents lyriques envoûtants. La langue est en effet se qui distingue immédiatement le travail de Simon Abkarian, il y a des fulgurances dans ce texte, une mélodie unique qui maintient le souffle épique de la tragédie tout en la modernisant profondément. Électre des bas-fonds prend alors la forme d’une fable festive, une célébration du théâtre et du travestissement, une trépidante aventure musicale et dansée dont les tableaux marquent les esprits. La tragédie devient rock, les complaintes du choeur se dansent et revêtent mille couleurs tant les costumes sont chatoyants, la fresque se déploie dans un mouvement permanent savamment chorégraphié. L’esthétique autour du choeur est particulièrement réussie, trois choeurs différents se succèdent en effet dans l’intrigue apportant des respirations dansées ou chantées, des virgules qui rythment la tragédie et annoncent les drames à venir. Réalisés à la perfection ces mouvements dessinent des images sublimes sur le plateau du Soleil et s’inscrivent profondément dans les mémoires des spectateurs déjà saisis par la langue musicale hypnotique de Simon Abkarian. Une réussite en tous points.

Audrey Jean

Électre des bas-fonds
Par la Compagnie des 5 Roues
Texte et mise en scène Simon Abkarian

Pour 14 comédiennes-danseuses et 6 comédiens-danseurs
Musique écrite et jouée par le trio des Howlin’ Jaws

Avec Maral Abkarian, Chouchane Agoudjian, Anaïs Ancel, Maud Brethenoux, Aurore Frémont, Christina Galstian Agoudjian, Georgia Ives (en alternance), Rafaela Jirkovsky, Nathalie Le Boucher, Nedjma Merahi, Manon Pélissier, Annie Rumani, Catherine Schaub Abkarian, Suzana Thomaz, Frédérique Voruz.
Et avec Simon Abkarian, Assaad Bouab, Laurent Clauwaert, Victor Fradet, Eliot Maurel, Olivier Mansard.

Le texte est publié chez Actes Sud-Papiers

Durée du spectacle : 2h30

Théâtre du Soleil
Jusqu’au 3 novembre 2019
du mercredi au vendredi à 19h30
le samedi à 15h
le dimanche à 13h30

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