Théâtre : « Rose Royal » librement adapté du roman éponyme de Nicolas Mathieu

Pour sa rentrée, le Studio des Champs Elysées nous propose une très belle reprise, Rose Royal de Nicolas Mathieu au Studio des Champs Elysées. Anne Charrier y est magistrale dans ce seul en scène signé Romane Bohringer. Anne Charrier y campe l’itinéraire de vie d’une cinquantenaire au profil ordinaire. Une fable tragique qui fait écho au mal qui ronge notre société. Le dénoncer encore et encore afin qu’une prise de conscience de notre société permette de l’éradiquer totalement. 

Rose a 50 ans et fréquente assidument le café Royal où elle a l’habitude de retrouver Marie-Jo. Séparée et mère de deux grands enfants, elle partage ses soirées avec son amie coiffeuse au Royal. Les conversations vont bon train et chacune se confie sur leurs relations sentimentales. Cinquante ans constitue le bel âge. Davantage épanouie et libre, elle représente un archétype banal d’une femme qui cumule expérience  et volonté de ne plus subir les aléas de la vie. Car des déboires, elle en a connu notamment auprès d’hommes où la domination patriarcale était synonyme parfois de violence. Elle a décidé de ne plus subir. Prenant sa vie avec humour et faisant contre mauvaise fortune bon coeur, Rose nous offre une philosophie de vie où la joie de vivre est le plus souvent présente. Mais l’expérience nourrit sa méfiance envers les hommes. Elle décide de s’acheter un calibre 38 sur un site américain, histoire de se rassurer.

Un soir, la porte du bar s’ouvre sur un jeune homme portant dans ses bras son chien écrasé. Maculé de sang, son maitre Luc, serre contre lui la pauvre bête qui souffre. Rose s’empare de son colt et abrège l’agonie de son chien. Reconnaissant, il la regarde. Elle le regarde, séduit par ses belles mains et son côté un tantinet taiseux. Ca lui plait. Ils décident de se revoir. Telle une ritournelle, le destin lui offre-t-elle une nouvelle chance ?

Anne Charrier est proprement solaire dans ce personnage tourmenté par un destin peu enclin à lui sourire. Campant de façon magistrale ce personnage de Rose, elle décline toutes les facettes de la personnalité de ce personnage. Le texte joliment écrit de Nicolas Mathieu nous fait pénétrer dans l’âme de cette femme cinquantenaire en proie à ses désirs car à 50 ans, tout commence ou recommence. La mise en scène de Romane Bohringer est délicate et subtile. Rose prend le public à témoin en s’en faisant son témoin et complice. Le propos est illustré par la voix d’Eric Caravaca qui assure le fil de la narration. En abordant une problématique sociétale malheureusement récurrente, Nicolas Mathieu la dénonce avec force. A ce titre, le théâtre constitue toujours un véhicule approprié pour une prise de conscience plus large.

Laurent Schteiner