Dans un contexte social brûlant, où jaillit la parole des femmes victimes de violences patriarcales, Lisa Guez s’empare du conte Barbe Bleue qui a marqué son imaginaire dès l’enfance pour redonner vie à ses victimes réduites au silence, le temps d’un spectacle. Crée sur peu de moyens, dans un contexte sanitaire mortifère, sans soutiens financiers ni espace scénique pour travailler, ce spectacle a vu le jours grâce au Festival Impatience qui a repéré ce spectacle atypique et a permis à l’équipe de le produire en tournée. Lisa Guez a accepté d’évoquer la genèse de son projet, les questions de société qui l’assaillent et motivent ses idées de créations.

Pourquoi choisir d’adapter Barbe Bleue au théâtre ?

En fait, j’étais en train de travailler avec un groupe de comédiennes et on était en train de monter une autre pièce Les Reines de Normand Chaurette, une pièce sur les héroïnes de Richard III et Henry VI qui ont très peu d’espace pour s’exprimer politiquement dans ces grandes tragédies Shakespeariennes. Dans Les Reines, les femmes sont comme confinées dans une sorte d’antichambre du pouvoir où elles élaborent des complots. Des femmes qui cherchent à retrouver un pouvoir dans un espace clos, ce qu’on retrouve dans la pièce interdite de Barbe Bleue…

C’est donc avec ce groupe d’actrices avec lequel je m’entendais très bien, que j’avais envie de continuer à créer sur une proposition qui viendrait cette fois non pas d’un texte déjà écrit qu’on monterait, mais vraiment de nous, de nos imaginaires à nous. En fait, j’avais besoin de partir d’une base qui nous relie tous, parce que Barbe Bleue c’est quand-même un conte qui est assez présent dans l’imaginaire collectif. Le conte était une base pour mettre nos imaginaires en commun et que chacune puisse construire le parcours possible d’une femme de Barbe bleue. Nous avons suivi la ligne du récit en mettant en évidence les questions posées de façon intrinsèque  à l’intérieur du conte. Les contes de fée n’offrent pas d’intériorité psychologique aux personnages. On ne sait pas toujours comment expliquer leurs actions. Cette part de mystère nous offre un champ d’invention, tout un questionnement possible sur la psyché des personnages.

© Yasmeen Besnier

Avez-vous toujours su que vous vouliez porter ce conte au théâtre ?
Le cheminement, qui nous amène à savoir pourquoi on a envie de faire une création, est un phénomène bien plus complexe que ça. Je ne me suis pas toujours dit que je voulais monter Barbe Bleue au théâtre. En fait, il m’habitait depuis toujours et notamment dans mon inconscient. Et puis d’un coup, en cherchant parce que je donnais des cours à la fac de Lille à ce moment-là, un matériel non théâtral à adapter au théâtre avec mes étudiants, je suis retombée sur le conte. Ça m’est apparu comme une évidence. Tout est remonté à la surface. Je me rappelle très bien que je l’ai lu le soir et je me suis réveillée à 5h du matin très en forme, j’avais presque toute la dramaturgie du spectacle déjà dans la tête. C’est comme si ça avait travaillé la nuit (rires). Finalement, le fait de le redécouvrir et de le relire à l’âge adulte, m’a permis de réaliser que c’était une matière que j’avais absolument envie d’expérimenter !

Est-ce que ce projet est le fruit d’une expérience personnelle ou de celle d’un. e proche ?
On a écrit ensemble et on a beaucoup parlé avec les cinq comédiennes et avec la dramaturge. On a beaucoup échangé d’expériences personnelles, brassé des questions ensemble et évidemment, dans nos vies de femmes et dans nos vies de jeunes filles. Certaines d’entre nous ont croisé des barbes bleues, mais à chaque fois dans des situations qui étaient très différentes des unes des autres. C’était difficile d’avoir une réponse simple, personnage simple à tisser. Du coup Barbe Bleue n’est pas incarné par un homme dans le spectacle. On parle toujours de lui, il est vu par le prisme de ses proies. Ce sont les femmes qui jouent Barbe Bleue. Lorsque j’ai travaillé avec les filles, je leur faisais lire ce conte en leur demandant de répondre à cette question : « d’où vient le désir qui pousse à accepter de vivre avec cet homme ? ». Chacune avait des réponses très différentes qui n’étaient pas forcément les mêmes que celles fournies par le conte d’ailleurs. Tout ça permettait de construire des parcours très distincts. Dans le spectacle, Barbe Bleue donne les clés à Jordane, la première à prendre la parole,  parce qu’elle souhaite le quitter. C’est assez classique dans les histoires de féminicides. Lorsque la femme veut partir, l’homme ne le supporte pas et il la tue. Anne, la première femme ne se laisse pas posséder par Barbe Bleue. C’est cela qui l’épuise et le pousse à la tuer pour pouvoir la posséder, la garder. Dans le conte, la jeune fille consent à épouser Barbe Bleue qu’elle avait d’abord rejeté. Elle est capturée non pas physiquement mais psychologiquement par un magnétisme. Tous les personnages de la pièce ont un rapport différent à l’emprise.

Est-ce que la pièce n’illustre pas finalement une propension systémique à rendre les femmes coupables des féminicides ?
Quand j’ai commencé à plancher sur ce sujet et qu’on a commencé à travailler avec les comédiennes, on n’a pas du tout eu l’impulsion de faire un spectacle militant. On ne voulait pas forcément porter une vérité qui nous semblait juste sur la condition des femmes à la scène. Notre impulsion première était plutôt de chercher à l’intérieur de nos vies, de nos histoires, le moment et l’endroit propice où notre liberté aurait pu s’exprimer plus fortement. Les endroits d’empêchement auxquels nous avons été confrontées à cause d’une forme d’auto-conditionnement.

Bien sûr, ce spectacle attaque la société patriarcale puisqu’il donne aux femmes la puissance de s’y opposer. Nous avons tissé toutes ces questions en cherchant à l’intérieur de nous quelle est la nature de nos fragilités et de nos désirs sans que ce soit lié à une démarche didactique.

Féministe, la pièce l’est, je crois. Mais je ne voulais pas que le spectacle soit posé en ces termes. Je voulais plutôt que les féministes comme les non-féministes remettent peut-être en question des idées reçues. Ça n’a rien d’évident car le questionnement révèle parfois des désirs enfouis à l’intérieur de nos fantasmes. On interroge des fantasmes intégrés par le biais des imaginaires collectifs : pourquoi est-ce que certaines femmes peuvent avoir le fantasme de courir derrière un homme dangereux par exemple. Aujourd’hui il y a les fan-fiction, un certain nombre de récits écrits par de jeunes filles dans lesquels elles fantasment des fictions amoureuses, construites autour d’un l’homme désiré toujours ultra-puissant, ou bien ultra-dangereux comme un vampire un loup garou… C’est très à la mode !

Ca veut dire aussi que c’est vraiment quelque chose de réel ce fantasme féminin de courir après l’homme dangereux. Ça en dit long sur la représentation collective de la masculinité. C’est précisément à cette représentation collective qu’on attaque, plutôt les hommes et leur position dominante. C’est plutôt la question d’un imaginaire globale partagé par les hommes et les femmes qui font que les choses se perpétuent qu’on a voulu pointer du doigt. Même dans la séduction quand une femme se dit très forte et très indépendante, elle se retrouve souvent malgré elle guidée par tous ces fantasmes-là. Ils imprègnent notre patrimoine culturel et nous font jouer des partitions contre nous-mêmes. On s’est beaucoup  inspiré de la version du conte, de Clarissa  Pinkola  Estes Femmes qui courent avec les loups. Elle y consacre un petit chapitre à Barbe Bleue et elle étudie le conte d’une façon féministe. Il a beaucoup été étudié par des psychanalystes comme Bettelheim mais souvent d’un point de vue masculin. C’est à dire que pour Bettelheim la femme est curieuse. La clé, c’est la question de l’infidélité pendant que l’époux n’est pas là… Alors qu’en fait ce qui est assez beau c’est que Pinkola Estes dit que tout cela se passe à l’intérieur d’un psychisme féminin, d’une seule femme. Par exemple, Barbe Bleue ce n’est pas quelque chose qui agit à l’extérieur d’elle. C’est l’instance prédatrice dans sa psyché qui l’empêche de vivre sa vie et qui dévore ses désirs et ses rêves. C’est tout ça qui l’empêche d’être libre. Cette part dangereuse en elle la tue de l’intérieur. Les frères et les sœurs sont des entités qui se trouvent aussi à l’intérieur d’une seule psyché. Je trouve ça assez intéressant. Là on reprend tout le conte : elles sont victimes d’un seul homme, mais il y a aussi un travail de déconstruction mené entre elles quand elles sont dans un groupe de paroles de femmes assassinées par Barbe Bleue dans son cabinet. Elles travaillent entre elles à essayer de déconstruire un certain nombre de fantasmes. Elles tentent de se battre contre cette instance intérieure qui nourrit en elles le fantasme de l’amour absolu qui leur fait accepter tout. Tout cela concourt à générer une emprise, s’auto-conditionner et se mettre en fragilité face à un homme.

Quel aspect du récit vous a particulièrement touché à la relecture du conte  ?
Dans mon travail, je me pose des questions sur un objet précis. Et quand ces questions me paraissent parfaitement insolubles, je me dis que je vais pouvoir créer à partir de ça. C’est très puissant ! La première chose qui m’intriguait plus que ce que ça me touchait, ce sont toutes ces questions de l’emprise. Pourquoi ’une femme qui perçoit très clairement tous les signes d’une relation malsaine avant même que cette relation ne commence, va quand même construire et s’illusionner ? Dans le conte d’ailleurs, le personnage de la jeune fille dit initialement à propos de Barbe Bleue qu’il n’a pas la barbe « si bleue ». Pour moi c’est le signe de sa dissonance cognitive. Quelles sont les raisons qui expliquent ce déni, et finalement, se perdre dans une relation toxique en dépit de tous les signes avant-coureurs ?

La deuxième question m’intriguait beaucoup. au moment où elle ouvre la porte et qu’elle découvre que son époux est un meurtrier, quelles sont les raisons qui la poussent à refermer la porte, essuyer le sang sur la clé et essayer de tout cacher ? Quand Barbe bleue découvre ce qu’elle a fait, elle le supplie en larmes et se jette à ses pieds. La culpabilité fond sur elle, alors qu’il est l’assassin. Tout ce transfert de culpabilité et cette dissimulation m’interrogent par rapport au processus d’emprise. Le Conte de Barbe Bleue montre vraiment ce phénomène dans lequel la femme va rentrer complètement dans un mécanisme d’acceptation de sa condition, alors qu’elle pourrait être battue à mort. Elle se culpabilise et n’arrive pas à partir.

Est-ce qu’il n’y a pas un phénomène semblable dans la société où les femmes sont culpabilisées et prennent la responsabilité des outrages qu’elles subissent et absolvent les vrais coupables ?
Le pervers narcissique, l’homme violent et même toute personne qui assoit un rapport de domination sur quelqu’un, va, de toute façon, toujours rejeter la faute sur la personne qu’il frappe. Il la frappe parce qu’elle est coupable d’une chose généralement absurde. Dans Les Femmes de Barbe Bleue, on illustre cela par le fait que Valentine laisse traîner un bas et va se retrouver punie pour ce petit acte de négligence : il lui ordonne de prendre ce bas dans la bouche, d’imiter un chien, d’aller jusqu’à la chambre où il a déchiré tous ses bas. Elle va devoir ensuite les ramasser, un par un. C’est une humiliation extrêmement violente à cause d’une petite maladresse absolument bénigne. Il essaie de lui faire porter le poids de sa propre culpabilité, ce faisant il la transfère en la punissant. Ce sont des choses vraiment terrifiantes qui, je pense, s’inscrivent dans un rapport de force qui existe et se reproduit à toutes les époques.

Sans vouloir rentrer dans un débat polémique, qu’il s’agisse de Joey Starr, de Bertrand Cantat ou de Mohah La Squale, le côté sulfureux de leur personnalité sombre et rebelle en fait des icônes excitantes  le public est aussi pris par cet  imaginaire d’hommes sombres. De fait, tout cela les amène à excuser ces personnages publics au motif qu’ils auraient des démons en eux dont ils seraient finalement les victimes. On en parle dans Les Femmes de Barbe Bleue à travers la figure de Valentine, assassinée, et qui excuse son meurtrier parce qu’il avait des démons en lui. Il y a quelque chose de l’ordre du romantisme morbide comme avec Dracula ou les vampires et les loups-garous. Ce ne sont pas vraiment de leur faute, ils sont dominés par des forces qu’ils ne maîtriseraient pas et donc il faudrait les excuser. En plus ils sont si excitants avec leur violence ! Cette idée me dégoûte réellement. On est vraiment pris au piège de ce fétichisme de la violence qui nous conduit à l’accepter au lieu de chercher à la soigner et à la combattre.

Je pense que le problème n’est pas tant de faire porter la responsabilité aux victimes mais surtout de ne pas les écouter. Je crois que le mouvement Metoo est symptomatique du fait qu’il y a eu trop de silences. Ce qui entraîne une prise de parole collective d’autant plus forte. On a tellement gardé en nous des violences sans oser le dire et ressenti de la honte. Le fait que la parole jaillisse est nécessaire. Le fait que cette même parole soit remise en cause et critiquée me semble déloyal. Même si Les médias sont une sorte d’arène dans laquelle les point de vue s’affrontent très violemment ce qui parfois empêche de penser en profondeur. C’est pour cette raison que je ne veux pas trop me risquer à m’exprimer sur des polémiques actuelles et que j’utilise le conte qui permet une mise à distance pour pouvoir aborder ces sujets brûlants tout en profondeur. Le conte invite à faire un pas de côté pour construire une réflexion en évitant de rentrer dans des considérations trop passionnelles.

L’humour utilisé à certains moments pour désamorcer le pathos, autorise à reprendre son souffle par rapport à la violence du spectacle insoutenable qu’on leur présente, pour pouvoir ensuite replonger dans cette violence. Tout cela permet de faire dialectique. On mobilise l’inconscient de la personne sans la forcer absolument à réfléchir sur ce qu’elle voit. J’espère de cette manière parvenir à faire bouger les choses dans l’esprit des gens et leur permettre de créer une réflexion en connexion avec des choses enfouies.

L’humour serait-il  donc un moyen pour le spectateur d’aller au bout d’un spectacle qui s’annonce dès le départ insoutenable ?
La plupart des femmes sur scène sont mortes, donc pour elles, la partie est déjà perdue dès le départ (rires). Elles essaient de trouver en elles les clés pour comprendre comment le match aurait pu être gagné. Celle qui est vivante et qui se tient depuis le début à côté du public à tout entendu. Grâce à tout ce processus d’introspection mené par les femmes de Barbe Bleue, elle va réussir à partir de chez lui et à le vaincre. Il y a de l’humour mais un humour grinçant parce qu’elles sont mortes, elles sont toujours là et retracent leur récit. En reprenant vie sur le plateau c’est comme si il y avait une forme d’espoir parce qu’elles existent encore et prennent la parole contrairement aux victimes de féminicides qui sont réduites au silence quoiqu’il arrive. Quand on m’a raconté le conte, enfant, ce qui me bloquait complètement c’était de ne pas savoir qui étaient les femmes tuées par Barbe Bleue et comment est- ce qu’il les avait assassinées. Le conte ne le dit pas. On a des corps et l’histoire de ces corps demeure un mystère. Redonner une parole volée aux victimes assassinées par le théâtre constitue une forme d’espoir. Il y a beaucoup de travail sur ces questions là. L’adaptation du conte au théâtre s’inscrit dans une démarche de redonner chair à ses femmes oubliées, bien qu’on soit dans un registre irréel. Je me posais vraiment la question petite fille sur la manière de rendre ces femmes réelles puisqu’elles n’ont pas la clé du mystère. Je crois que les combats que nous menons et avons gagné en tant que femme constitue une histoire à part entière. Quand ma grand-mère est venue voir le spectacle, elle m’a avoué que ça lui avait évoqué sa vie, celle de sa fille et de ses sœurs. Je me suis dis qu’un chemin intergénérationnel avait été parcouru par les générations précédentes. Aujourd’hui, nous leur devons beaucoup si les choses ont évolué grâce à toutes ces femmes-là. Chaque combat sert celui des femmes qui viendront ensuite.

Les Femmes de Barbe Bleue raconte cela aussi. En tant que femmes, nous n’avons pas toutes les mêmes forces. Certaines sont dans le déni, d’autres sont éveillées. En s’écoutant chacune on parvient à avancer ensemble. Je trouve que la sororité est un aspect assez présent dans le conte quand on y réfléchit. La sœur Anne est dans la maison quand elle découvre le cabinet. Finalement c’est un personnage qui sert un peu à rien à part à regarder au loin si une solution arrive et apporter une présence. Même si Anne est perchée dans sa tour et n’est pas directement impactée par la situation, ça permet à sa sœur de résister sur la durée sans flancher. C’est vraiment une alliée, elle est présente, elle dit aux frères de se hâter. Elle essaye de hâter la solution. Sans cette alliée, la femme de Barbe Bleue se laisserait probablement aller.

Un mot pour résumer Barbe Bleue ?
En 1 mot, c’est impossible pour moi. Piège, Emprise ou Résistance.

Comment s’est déroulé le travail avec les comédiennes ?
Je leur ai demandé de ne rien écrire pour commencer. Certaines avaient déjà des petits bouts de récits et des esquisses de personnages. Je les poussais dans leur récit pour que ce soit le plus complet possible. Elles devaient réfléchir à toutes les questions que je leur posais puis elles s’asseyaient sur une chaise et elles passaient un peu un interrogatoire avec moi et Valentine, la dramaturge  (rires).

On essayait d’aller le plus loin possible dans le parcours. Par moment, l’itinéraire n’était pas assez nourri pour qu’il soit complet. La dramaturge, qui écoutait ce qu’elles racontaient, prenait en note le texte. On a construit de cette façon là tous les monologues. Ça a été un travail très long. Ça impliquait beaucoup d’aller-retour entre moi, le plateau, les filles et leur travail de réflexion personnelle. Tout s’est tissé progressivement et de façon assez naturelle puisque la distribution était déjà faite avant d’entamer réellement le travail.

Quelle place occupe la question de la condition féminine ?
Les Femmes de Barbe Bleue est un projet qu’il était urgent pour moi de réaliser. J’avais ce besoin de me libérer de quelque chose en le portant. Je pense que je vais mener un autre projet avec ce même groupe de femmes pour parler d’autres questionnements qui nous habitent non pas seulement en tant que femmes mais en tant qu’humain(e)s.

On ne poserait jamais la question à un groupe de « mecs » comment ils parlent de leur condition masculine à travers leur travail artistique. Ils parlent de ce qu’ils veulent, absolument tout. Quelque part, en tant que groupe d’artistes femmes, on se retrouve assigné à parler uniquement de cette condition féminine, c’est sur cela qu’on nous attend. Si je mène un futur projet avec ce même groupe de femmes, ce sera pour monter un spectacle qui parlera plus largement du monde, comme peuvent le faire les hommes tout à fait librement aujourd’hui. Une thématique qui m’est chère et que j’explore encore dans ma prochaine création : c’est ce mécanisme d’emprise. Je l’avais déjà étudié à travers le spectacle Macbeth qui met au jour la façon dont les fantasmes ont prises sur l’imaginaire d’une personne et, par conséquent, sont susceptibles de détruire quelqu’un de l’intérieur. Ce sera le coeur de ma prochaine création mais ce ne sera pas abordé qu’à travers le prisme des relations amoureuses. Il y aura des questionnements politiques sur les relations affectives au sens large. L’équipe sera mixte, femmes et hommes avec des âges très différents. Ça s’appellera Celui qui s’en alla.

Propos recueillis par Marie Lorho.

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