Auréolée du prestigieux prix jeunes metteurs en scène du Théâtre 13, Julie Duquenöy prolonge l’aventure de sa très belle création « Ni Dieu, Ni Diable » au Lucernaire jusqu’au 7 Décembre. Une nouvelle occasion de découvrir ce travail d’une incroyable maturité autour d’un texte complexe et dense, doté qui plus est d’une équipe de comédiens remarquables !

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Lucien Rebatet dépeint au fil d’un roman de 1312 pages les affres d’une jeunesse en mal de révolution. Premières victimes d’une société en perte de repères, Régis, Anne-Marie et Michel entre autres tendent plus que tout à faire naître un nouvel élan humaniste. Leur projet de contre-culture : la recherche d’une extase autre, une utopie d’amour, la défense d’une liaison chaste pour élever l’âme loin des bassesses d’une Terre en perdition. « Les Deux étendards » est décrit par certains comme l’un des plus grands romans du siècle mais ne jouit pas d’une bonne réputation malgré les qualités qu’on lui reconnait, il est même assez méconnu. En effet Rebatet fut condamné à mort au sortir de la seconde guerre mondiale pour ses positions antisémites et collaborationnistes, le roman a donc fortement pâtit de la mauvaise presse de son auteur. Pourtant dans ce texte les enjeux dramatiques sont puissants, les personnages follement attachants et d’une profondeur rêvée pour une création scénique. Augustin BIlletdoux parvient à en tirer la sève dans cette adaptation, sa première pièce de théâtre d’ailleurs. Il nous livre ici une partition exigeante et furieusement moderne tout en soignant de près la mélodie d’une langue argotique et soutenue à la fois.

Le moins que l’on puisse dire c’est que ces jeunes metteurs en scène révélés chaque année par le prix du Théâtre 13, ou même lors du festival Péril Jeune de Confluences, n’ont pas froid aux yeux. Il en fallait du courage et de l’ambition pour s’attaquer d’une part au volume d’informations du roman mais aussi exorciser la mauvaise image de Rebatet. Ici bien sur on ne s’intéressera qu’à l’œuvre, largement dissociable de son auteur au niveau de son intérêt dramatique. Julie Duquenöy se l’approprie avec maestria dans une mise en scène vivante, dynamique. Avec un soin tout particulier accordé à la scénographie elle exploite durant 1H30 un plateau en mouvement perpétuel à l’image de cette jeunesse effervescente. Elle parvient également à implanter de très belle images, des respirations esthétiques dans ce fourmillement, cet enthousiasme frénétique pour une autre vie alors que les pages de l’histoire jonchent de plus en plus le sol. Les silences se feront quand à eux lourds de sens, tel un contrepoids des sacrifices à envisager pour changer le monde.

C’est une équipe intégralement formée à l’école Claude Mathieu que l’on retrouve sur la scène du Lucernaire, et l’on ne peut s’empêcher de reconnaitre un lien de parenté avec le travail de Jean Bellorini. Une filiation assumée et parfaitement maîtrisée notamment sur l’aspect narratif du spectacle, le jeu sur les voix, ainsi que certaines trouvailles visuelles. Si l’on avait déjà largement plébiscité le talent de Lou de Laâge dans « A la Périphérie » l’on se doit de citer ici Clément Séjourné hypnotisant dans le rôle de Michel ainsi qu’Ariane Brousse pour la narration subtile et investie.
Voici donc à n’en pas douter ceux qui feront le théâtre de demain et ils proposent d’ores et déjà des créations engagées et exigeantes. Soutenez les dès maintenant , ils en ont besoin et surtout à l’instar de Julie Duquenöy et de ses comédiens ils le méritent !

Audrey Jean

« Ni Dieu, Ni diable »
Texte d’Augustin Billetdoux d’après « Les deux étendards » de Lucien Rebatet

Mise en scène et scénographie de Julie Duquenöy

Avec Lou de Laâge, Clément Sejourné, Damin Zanoly, Mathieu Graham, Ariane Brousse et Pierre Vos

Ce spectacle a remporté l’édition 2014 du prix jeunes metteurs en scène du Théâtre 13 

Jusqu’au 7 Décembre
Du mardi au samedi à 21H30
Dimanche à 17H

Lucernaire
53 rue Notre Dame des Champs

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