Le Théâtre des Quartiers d’Ivry entame un nouveau cycle intitulé « Regarde ! » depuis le 9 Mars et ce jusqu’au 5 Avril. Après la série sur le dramaturge uruguayen Calderon ce cycle confronte Marius Von Mayenburg et Maurice Maeterlinck, deux auteurs dont l’écriture questionne le réel, leurs styles respectifs invitant le spectateur à se perdre dans un monde aux repères brouillés. Revenons donc sur la trilogie Marius Von Mayenburg dont nous avons pu découvrir deux pièces intrigantes « Le Moche » et « Perplexe » dans une mise en scène de Maïa Sandoz.

image_fichier_fr_img_1108.a.danica.bijeljac.bdPerplexe - TQI

« Il n’y a pas de vérité, la vérité n’existe pas, n’a jamais existé, elle n’est pas encore venue au monde, parce que le monde auquel elle pourrait venir n’existe même pas. »

Le moche
Monsieur Lette découvre un beau jour qu’il est moche, mais moche vraiment moche. Visiblement tout le monde était au courant et n’avait jamais pris soin de l’en informer pensant qu’il l’avait remarqué en amont. Le choc est tel qu’il décide de changer de visage au terme d’une chirurgie esthétique qui le transforme en œuvre d’art. Sa vie se trouve alors bouleversée et auréolée de gloire mais une forme de folie collective autour de ce nouveau Lette s’installe progressivement entrainant les personnages vers une noirceur de plus en plus poisseuse.

Perplexe
Un retour de vacances en apparence tout ce qu’il y a de plus normal. Eva et Robert retrouvent leurs amis Judith et Sébastien chargés de s’occuper des plantes et de l’appartement en leur absence. Pourtant, cet appartement semble être le lieu d’incohérences, les pistes se brouillent, tant et si bien que plus personne ne sait qui est qui, qui fait quoi et qui est avec qui. Une escalade dans l’absurde de plus en plus grotesque qui comporte quelques scènes mordantes mais qui pêche quelque peu sur la longueur.

Proposée en programmation sous la forme d’une trilogie les week-ends ou d’un dyptique en semaine, la traversée de ses trois pièces donne à voir l’aspect décalé et féroce de l’écriture de Marius Von Mayenburg, que nous avions d’ailleurs récemment plébiscité avec la création de son « Martyr » par la Compagnie du Veilleur. C’est résolument un auteur de son temps, ancré avec cette ironie et ce jeu de miroirs qui le caractérise dans un monde tourmenté où l’on peine à savoir si l’illusion est tragique ou comique. Tour à tour grinçant, absurde ou cruel le théâtre de Von Mayenburg se montre en tous les cas passionnant dans sa recherche cynique sur les notions d’identité et de réalité. Que l’on adhère ou pas à cette écriture particulière le travail de Maïa Sandoz sur ces trois courtes pièces est parfaitement cohérent avec l’univers étrange et décalé de l’auteur allemand. Elle souligne avec beaucoup de finesse les multiples couches de sa vision un brin torturée d’une société qui se regarde activement le nombril, opérant un glissement malin d’une pièce à l’autre et instaurant ainsi un traitement global du style Von Mayenburg. Soulignons également que la distribution est à la hauteur de ce matériau original. Aurélie Verillon y est pour beaucoup, ses différents interprétations sont à chaque fois jubilatoires. C’est aussi l’occasion de découvrir la jeune césarisée Adèle Haenel sur les planches, la nouvelle coqueluche du cinéma français s’en sort d’ailleurs particulièrement bien face à cet ovni.

« J’ai ressenti ça toute la soirée : je dis quelque chose, et soudain j’ai la sensation que quelqu’un écoute. »

Audrey Jean

Le Moche – Voir clair – Perplexe
Marius Von Mayenburg mise en scène par Maïa Sandoz

Avec Serge Biavan, Christophe Dandin, Adèle Haenel, Paul Moulin et Aurélie Verillon

Jusqu’au 22 Mars au Studio Casanova
69 Avenue Danielle Casanova

L’intégrale de la trilogie se joue les week-ends
le diptyque est proposé en semaine
toutes les horaires et les dates disponibles sur le site du théâtre
Théâtre des Quartiers d’Ivry

http://www.theatre-quartiers-ivry.com/fr/

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