Théâtre : « Les justes » d’Albert Camus

par | 18 Sep 2025

Le théâtre de Poche-Montparnasse nous propose actuellement ce classique contemporain d’Albert Camus, Les justes. Plus que jamais, ce thème du terrorisme, que Camus développe dans cette pièce, est d’une actualité brûlante. La place de la violence et des objectifs à atteindre par certains soulèvent une problématique cornélienne que traversent les protagonistes de cette pièce. Maxime d’Aboville en s’emparant avec brio de la mise en scène de cette oeuvre nous offre en partage la réflexion de Camus sur la violence exercée par certains pour faire triompher leurs idées.  

Les caractéristiques principales de cette pièce sont le temps et le rythme. Ces marqueurs sous-tendent un récit haletant en précipitant les acteurs vers le destin. Le contexte historique trempe dans une réalité historique. En 1905, à Moscou, quatre terroristes du Parti Socialiste Révolutionnaire préparent un attentat contre le Grand Duc Serge, oncle du Tsar. Kaliayev, dit le poète, tiraillé entre sa soif de justcice et son respect de la vie, est chargé de lancer la bombe. Dora, amoureuse de Kaliayev, prépare la bombe. Stepan, récemment libéré d’un bagne de 3 ans, se joint au groupe sous la houlette de Annenkov, chef aguerri, qui pilote l’attentat. Mais un événement inattendu bouleverse l’attaque prévue.

Très rapidement, les antagonistes politiques entre Kaliayev et Stepan  se font face s’affirment. Stepan, emprisonné pendant trois longues années, fait oeuvre d’un idéal trotskyste, pour qui rien n’est au-dessus de la révolution. Peu importe les pertes collatérales engendrées. Seul le résultat compte. Et tout ce qui permet de s’élever contre la tyrannie constitue la voie à suivre. Kaliayev, baigne davantage dans l’idéal romantique du terrorisme. Prêt à mourir pour la cause, tout comme Stepan, Kaliayev entrevoit une action sacrificielle qui lui saura rendu grâce par la suite. Camus met en opposition deux thèses de la lutte armée pour gagner le pouvoir.

Dans cet imbroglio indescriptible, Camus imagine que le repentir d’un terroriste serait de nature à casser cette spirale terroriste. Un repentir qui le disqualifierait auprès de ses camarades afin de frapper cette mouvance mortifère. On ne peut s’empêcher de penser à l’opération « Mains Propres » initiée par le passé en Italie contre les membres de la mafia. Le risque étant de fanatiser davantage le supposé repenti dans une ultime action sacrificielle. Et c’est en cela que le terrorisme à changer de visage. Il s’est paré des habits du fanatisme.

La mise en scène alerte et soutenue, nous plonge au coeur d’une action qui nous donne le tournis. Les comédiens sont excellents en proposant chacun, des personnages totalement habités. Soixante-dix ans après, cette oeuvre inaltérable pose toujours la problématique de la violence et de la justice. Tout étant inscrit dans le titre : les justes ! ou les justes ? Chacun est libre d’en faire son idée. 

Laurent Schteiner

« Les justes » de Albert Camus

Mise en scène de Maxime d’Aboville

Avec Arthur Cachia, Etienne Ménard, Oscar Voisin et Marie Wauquier

  • Costumes et Scénographie Charles Templon assisté de Pixie Martin
  • Lumière Alireza Kishipour
  • Création sonore Jason Del Campo
  •  Copyright Sébastien Toubon

Théâtre de Poche-Montparnasse
75 bd du Montparnasse. 75006 Paris
tel 01 45 44 50 21
du mardi au samedi à19h, le dimanche à 15h

 

Share This