Hasard du calendrier, la nouvelle création de Yann Dacosta, Légendes de la forêt viennoise d’Ödön von Horwarth qui se joue actuellement au CDN de Normandie-Rouen se télescope avec l’actualité brulante du moment. Yann Dacosta a réalisé un magnifique parcours en nous proposant une fresque baroque et corrosive explorant l’univers nauséabond de l’Autriche considérée à juste titre comme le laboratoire de l’Allemagne pré-nazie. Ce faisant, il nous offre un spectacle de toute beauté où la densité de sentiments exprimés et la variété des propositions scéniques traduisent le travail colossal accompli par Yann Dacosta et ses comédiens.
Yann Dacosta n’a pas choisi la simplicité en s’attaquant à une oeuvre de cette taille. Mais il a tiré habilement son épingle du jeu en créant un spectacle original et haut en couleur. Il a su reconstituer avec brio tout un monde, celui de l’avant Anschluss, d’une Autriche qui fleurait bon Le Beau Danube Bleu de Johann Strauss. Les musiciens, personnages omniprésents, décrivent avec force l’atmosphère délétère de cette époque. Les chansons interprétées par les comédiens nourrissent également la couleur grise de cette chronique désenchantée. La scénographie constitue un élément clé de cette reconstitution. On l’aura compris, tout concourt à nous plonger dans cette époque où l’on sent la main-mise nazie sur l’ensemble des rouages de la société autrichienne.
L’histoire prend naissance lors d’un pique-nique où Alfred, un petit voyou turfiste s’éprend de Marianne, promise à Oscar le boucher. Alfred ancien amant de Valérie entame une nouvelle vie avec Marianne mise au banc de sa famille par son père Magicus. Alfred et Marianne auront ensemble un bébé qui sera le catalyseur de leur désunion et de leur descente aux enfers. Abandonnée, Marianne connaitra la chute en se produisant nue chez Maxim, un cabaret de la ville et finissant en prison.
Ödon von Horvarth laisse chacun de nous libre d’interpréter cette histoire à travers son propre prisme. Il nous place résolument dans la posture du voyeur. Yann Dacosta respecte l’esprit de l’auteur à la lettre. Ainsi toutes les aspérités de l’indignité humaine ressortent broyant et laminant les plus faibles de cette comédie humaine sonnant le glas d’une société usée dans l’attente d’être balayée par la gangrène du fascisme. Tel un fil rouge, Yann Dacosta parsème la pièce de la présence entêtante et oppressante du neveu de Magicus, gagné au parti nazi. Cette pièce aux ressorts musicaux incontestables nous prend à témoin sur ce monde égoïste et individualiste. On ne peut être que sidéré par la bêtise, la convoitise et la vilénie des protagonistes de cette histoire suffisamment nombrilistes pour ne pas voir ce qui se prépare… Les comédiens sont tous excellents avec une mention spéciale pour Maryse Ravera pour son rôle truculent de grand-mère ignoble. Ce spectacle constitue un univers à lui tout seul tant sa richesse nous émerveille.
Laurent Schteiner
Metteur en scène : Yann DACOSTA
Distribution : Théo COSTA-MARINI, Laëtitia BOTELLA, Dominique PARENT, Sandy OUVRIER Jean-Pascal ABRIBAT, Maryse RAVERA, Jade COLLINET, Pierre DELMOTTE, Florent HOUDU, Jean-François LEVISTRE, Pablo ELCOQ et Pauline DENIZE
- Costumes : Corinne LEJEUNE
- Création lumière : Samaël STEINER
- Scénographie / accessoires : Fabien PERSIL
- Création son : Johan ALLANIC
- mise en danse : Frédérike UNGER
- Maquillages : Agnès BLIN
- Coiffure : Céline BAJU
- régisseur général : Marc LEROY
- régisseur plateau : Jérôme HARDOUIN
- © Arnaud Bertereau Agence Mona
Dates et horaires :Â 18-19-20 octobre 2017 : CDN Normandie-Rouen
8 et 9 novembre 2017 : Trident, Scène Nationale-Cherbourg
15 novembre 2017 : Scène Nationale 61 Alençon
23 novembre 2017 : DSN
28 novembre 2017 : CDN-Vire
1
7 décembre 2017 : Le Tangram, Scène Nationale Évreux
12 et 13 décembre 2017 : CDN-Caen
CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE NORMANDIE-ROUEN
Théâtre des deux rives
48 rue Louis Ricard
76176 Rouen Cedex 1
Tel : 02 35 70 22 82
www.cdn-normandierouen.fr
Légendes de la forêt viennoise publié chez l’Arche-Editeur