Théâtre : « Gauguin Van Gogh » de Cliff Paillé et David Haziot

Le Lucernaire nous propose actuellement un huis clos entre deux monstres de la peinture Paul Gauguin et Vincent Van Gogh. Ces deux personnages célèbres ont longtemps défrayé la chronique en mettant en exergue la folie de Van Gogh dans cette cohabitation mythique. Le texte de ce face à face met en lumière des pistes de réflexion intéressantes et profondes mettant en relief tout ce qui oppose ces deux génies.

Alors que ses toiles ne se vendent pas bien, Gauguin quelque peu désargenté accepte l’offre de Van Gogh de venir cohabiter chez lui à Arles. Vincent, accueillant Paul, demande à son frère Théo une rallonge à l’argent qu’il lui donne chaque mois. En échange, Gauguin s’engage à peindre et expédier ses toiles à Théo à charge pour lui de les vendre. Vincent, impatient de la venue de Gauguin, a pour projet de créer une maison d’artistes où la joie et l’émulation seront les véhicules de ce projet. Vivant en quasi autarcie, Vincent se réjouit de l’arrivée prochaine de son ami, brisant sa solitude.

Cliff Paillé et David Haziot ont sculpté deux caractères antinomiques qui auraient pu se compléter, mais ce n’était sans compter la folie de Van Gogh. Paul Gauguin apparait sous les trait d’une figure forte, directe et inspirante. A son opposé, Van Gogh respecte Gauguin comme un élève vénère un maitre. De ce sentiment, Vincent tente de modérer ses excès ne voulant pas risquer un départ prématuré de son ami. Leur vie s’organise autour de la peinture, de l’alcool et des bordels.

A la faveur de ce prologue, Cliff Paillé et David Haziot nous narrent  l’épisode qui conduit à l’acte désespéré de Van Gogh, comme un appel au secours. Plonger dans l’intimité de ces deux génies, revient également pour ses deux peintres à se confronter à des totems comme la question de l’art ou du réalisme. Il n’existe aucune vérité en la matière. La peinture de Van Gogh est totalement absconse pour Gauguin. Leurs visions du monde, à partir de leurs regards croisés et antinomiques sur l’art ou le réalisme, soulèvent des points de désaccords profonds où leur peinture en est la traduction radicale. William Mesguish interprète un Van Gogh émouvant, au bord du désespoir et de l’effondrement et Alexandre Cattez nous présente un Gauguin, sûr de lui et attendrissant et plein d’empathie malgré sa rugosité. En proposant ce prologue, Cliff Paillé et David Haziot nous ont offert un coup de projecteur réussi sur les événements qui ont présidé à l’acte désespéré de Van Gogh. Dans ce vu de l’intérieur, William Mesguich et Alexandre Cattez réalisent une fort belle performance. Un spectacle à ne pas rater !

Laurent Schteiner