Théâtre : « Dedalo » de Camilo Bogoya

Le théâtre de la Flèche nous a récemment invité à voir un très beau spectacle, Dedalo de Camilo Bogoya. En version originale en espagnol et surtitré en français, Mariana Montoya Yepes crée la sensation en incarnant une jeune femme kidnappée et séquestrée par erreur. En plongeant dans les arcanes de l’une des industries criminelles en Colombie, Ivan Jimenez, qui signe la mise en scène, apporte un témoignage poignant de la perte de liberté dans un pays qui a basculé à grande échelle dans le conflit armé. 

Flora est enlevée dans la forêt et se trouve face à une tortionnaire sans pitié. Attachée à une chaine, elle ne peut bouger. Comment survivre dans cet enfer lorsqu’elle sait que son père professeur ne peut réunir la somme. Se rappelant des histoires que son père lui racontait sur la mythologie, et notamment sur la légende du minotaure, elle entreprend de la narrer à son bourreau afin de l’amadouer. Cette histoire met en scène Dédale, figure mythologique grecque, prisonnier du roi Minotaure. Son ingéniosité et sa ténacité deviennent des exemples pour Flora qui lui donnent la force de survivre.

Le récit de Flora et l’histoire de Dédale s’entremêlent dans une mise en scène très convaincante. Tout le corps de Mariana Montoya Yepes exhale les contraintes de sa condition de captive. A travers des chorégraphies, elle exprime sa liberté du corps et de l’âme. Portée par la musique de Memoria, de Federico García de Castro, son corps exulte une liberté mise entre parenthèses espérant une fin heureuse et prochaine. En mettant l’accent sur la réalité politique et sociologique de l’actuelle Colombie, Camilo Bogoya crée l’événement en dénonçant la situation indicible de son pays. Un cri salutaire dans la nuit…

Laurent Schteiner