Frédéric Jessua dynamite la salle Copi du Théâtre de la Tempête avec une adaptation punk et déjantée du classique de John Ford « Annabella dommage que ce soit une putain ». Un délire jubilatoire parfaitement maîtrisé, une atmosphère décadente et pesante à la fois pour une plongée délectable dans le sang et la luxure. Un  spectacle à ne manquer sous aucun prétexte !

Annabella 18 F. Jessua photo C. Chauvet - copie

Giovanni et Annabella s’aiment d’un amour intense et passionné, ils se l’avouent très vite, consomment tout aussi rapidement et jurent de s’aimer jusqu’à la mort. Jusqu’ici une belle histoire. À part que Giovanni et Annabella sont frère et sÅ“ur, jumeaux de surcroît. Malgré les remontrances et les menaces du prêtre confesseur, en toute conscience de leur inceste, les amants pêcheurs tentent de maintenir leur passion dans le secret total tout en repoussant les nombreux prétendants au mariage d’Annabella. Mais le ventre d’Annabella s’arrondit…

Vincent Thépaut et Frédéric Jessua, qui signe également la mise en scène, se sont attelés  à une nouvelle traduction du texte de John Ford. Résolument moderne et subversive la pièce gagne ainsi en vitalité et en humour omniprésent de bout en bout malgré la tragédie initiale, la langue est brute, incisive et provocatrice pour notre plus grand plaisir. La mise en scène brillante de Frédéric Jessua renforce incontestablement toute la folie de l’Å“uvre avec une direction d’acteurs un brun caricaturale, l’ensemble est excessif, bruyant, dégoulinant, génial en somme. La pièce n’est pourtant pas facile, dotée d’une dramaturgie complexe elle regroupe plusieurs intrigues en une et représente historiquement un tournant, une certaine radicalisation du Théâtre Élisabethain. Grâce à une scénographie mouvante particulièrement inventive l’équipe évolue sur plusieurs niveaux offrant un espace de jeu multiple et dynamique. Les différents personnages de l’intrigue se succèdent dans un ballet parfaitement chorégraphié rythmé par les nombreux intermèdes musicaux.  Le public disposé tout autour du plateau peut ainsi les observer à sa guise, les voir se débattre dans cette arène morbide et établir allègrement des plans machiavéliques pour se nuire les uns aux autres. Au sein d’une distribution homogène saluons  la performance de Justine Bachelet, révélation absolue du spectacle toutes ses interventions font mouche et distillent la juste dose d’humour décalée et absurde. Les autres comédiens sont cependant tout autant remarquables et investissent le plateau avec une énergie débordante contribuant pour beaucoup au rythme trépidant de la pièce. Le spectateur est hypnotisé par cette histoire, suspendu à son dénouement,  avec la sensation malaisante et jouissive d’assister  en voyeur à un fait-divers glauque dont il connait l’issue fatale. Oscillant sans cesse entre rire et horreur, « Annabella dommage que ce soit une putain » est une surprise permanente, une pièce intemporelle qui atteint ici un niveau d’excellence.

Audrey Jean

« Annabella dommage que ce soit une putain » de John Ford 

Mise en scène de Frédéric Jessua
Traduction et adaptation Frédéric Jessua et Vincent Thépaut

Avec : Justine Bachelet, Elsa Grzeszczak, Tatiana Spivakova, Harrison Arévalo, Jean-claude Bonnifait, Baptiste Chabauty, Frédéric Jessua, Thomas Matalou et Vincent Thépaut

Scénographie : Charles Chauvet

Jusqu’au 17 Avril 
Du mardi au samedi à 20H30
Le dimanche à 16H30

Théâtre de la Tempête 
Salle Copi 

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