La secte des « racinophiles » a pris place récemment au théâtre de l’Essaïon. Ce récent changement d’adresse après Avignon nous confirme que cette installation est plus que prometteuse. Les incantations ânonnées à notre entrée ne sont à la vérité que des alexandrins. Leur gourou les hante par delà les siècles. Un guide spirituel qui a pour nom Racine.

 

Cette entrée en matière très originale place le ton qui va être donnée tout au long de cette pièce par une troupe de cinq comédiens tous pétris de talent. Le rythme est alerte et les transitions lient le corps de ce spectacle avec bonheur.  Ces mêmes transitions assurées par le même comédien, Alberto Lombardo, font mouche par le caractère comique qui s’en dégage.

 

Ces dingues de Racine déclinent l’auteur en une succession de tableaux présentant les œuvres phares du grand tragédien. La démesure apportée dans la mise en scène par Serge Bourhis affirme un parti-pris de rompre avec le mythe de l’ennui et de la monotonie attachés aux vers raciniens. Fort joliment écrite par Serge Bourhis, cette pièce se fond dans l’esprit de l’œuvre apportant cocasserie et burlesque. Les situations anachroniques ne manquent pas et l’astuce de mise en scène consistant  à mettre le public dans la confidence grâce à un apport pédagogique comique et constant traduit la réussite de l’ensemble.

 

Ce qui frappe dans ce spectacle est la passion pour Racine. Ce n’est pas un spectacle autour de Racine et de ses œuvres mais une pièce pour célébrer le grand homme de lettres. De l’approche de la tragédie décortiquée aux silences démesurés en passant par une scène de Phèdre, tout y est pour apprécier un spectacle complet à tous niveaux. Le public médusé découvre une interview insolite du grand Jean pourfendant son rival Pierre Corneille. La présence scénique et le naturel de Fabienne Dubois et Pierre-Etienne Royer sans oublier Alberto Lombardo nous emportent l’espace d’une heure au sein des seins : les A.A (les Alexandrins Anonymes).

 

La force de ce spectacle tient dans la redécouverte de Racine en privilégiant les codes susceptibles de décrypter l’architecture de quelques unes de ses scènes. Mais là où l’ennui pourrait nous gagner, en souvenir de nos chères études, cette pièce nous permet de lire et d’apprécier ces œuvres au second degré en souriant sur telle situation trop statique ou sur tel silence trop long. Le pari de ce spectacle est gagné car les spectateurs en sortant de cette pièce n’ont qu’une envie : redécouvrir ces tragédies avec une approche plus riche et plus décalée. Ce spectacle qui s’apparente à une décoction de vers et de racines est à déguster sans modération.

 

Laurent Schteiner

 

Racine par la racine de Serge Bourhis
Avec Fabienne Dubois, Alberto Lombardo, Caroline Hartpence, Pierre-Etienne Royer et en alternance Elise Roth/Lisa Olivier
Costumes : Marion Lachaud
Crédits Photo : La Caravane Rouge
 
Théâtre de l’Essaïon
6 rue Pierre-au-Lard
75004 Paris
Résa : 01 42 78 46 42
www.essaion.com

Les mercredis à 20h00 jusqu’au 25 janvier 2012

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