Il sera programmé au festival d’Avignon cet été pour un spectacle avec les élèves de l’ESAD, Clément Bondu écrivain, metteur en scène et interprète, nous a récemment hypnotisé avec une création atypique présentée au Théâtre de la Cité internationale  « Les Adieux (nous qui avions perdu le monde) ». La forme est surprenante, un voyage crépusculaire, la quête inassouvie d’un ailleurs fantasmé, sous les traits d’un poème musical aux accents rock. Accompagné au plateau par huit musiciens, la voix posée, le corps chancelant parfois,  Clément Bondu  nous emmène loin, il fait défiler paysages pittoresques et misères du capitalisme charriant avec lui toute la mélancolie du monde. Un spectacle qui marque.

Il s’avance lentement et prend place au centre du plateau, entouré d’instruments de musique épars. Dès les premières inflexions de sa voix le spectateur embarque pour un long voyage, une odyssée sublime et triste. Sa voix est grave, profonde et pourtant il nous paraît fragile, un corps droit bien planté dans le sol et une aura presque fantomatique. Le spectacle sera à son image, insaisissable et lourd, quelque chose de tellurique et pourtant profondément ancré dans l’univers de la rêverie. De cet oratorio désordonné jaillit une force intense, renforcée par la présence magnétique de l’orchestre, la musique déboule en secousses, tape au coeur et cloue à la chaise, par vagues elle rythme le phrasé envoûtant de la poésie.  « Les Adieux » est en réalité le second volet de cette quête initiatique aux confins d’un monde globalisé et déshumanisé et l’on pourrait se demander si ce voyage a réellement existé.  A-t-il été rêvé ? Qu’importe tant la prose de Clément Bondu est évocatrice, tant les mots rapportent avec fougue des fragments colorés de souvenirs, des odeurs, des rencontres, des images. D’un pays à un autre, d’un continent à un autre, juste en clignant des cils, le spectateur traverse des frontières nées aux hasard des errances du poète. La collaboration avec Jean-Baptiste Cognet sur la création musicale est une réussite totale, la complémentarité entre les sons et le verbe dessine en filigrane un paysage mouvant et fragile. De cette expérience, car c’en est une, intense et unique, reste longtemps après une sensation indéfinissable, l’impression d’avoir vécu quelque chose de rare, un état proche de la sidération. Nous restons là, foudroyés.

Audrey Jean

Les Adieux (Nous qui avions perdu le monde)
Texte, conception et interprétation : Clément Bondu
Composition : Jean-Baptiste Cognet

Interprétation musicale : Jean-Baptiste Cognet (guitares, piano), Franck Rossi-Chardonnet (guitare électrique), François Morel (basse, contrebasse, synthétiseurs), Yann Sandeau (batterie), Fanny Rivollier (flûte, synthétiseurs) et Aëla Gourvennec, Lydie Lefebvre, Amandine Robillard (violoncelles)
Création et régie lumières, régie générale : Clémentine Pradier
Régie son : Gaspard Charreton et Matthieu Plantevin
Le texte et la partition musicale de la première partie Le jeune homme aux baskets sales ont été lauréats de l’aide à l’écriture de l’association SACD-Beaumarchais, catégorie « art lyrique » en 2016

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