Il y a des moments de grâce au théâtre où un spectacle et une personnalité nous laissent sans voix. Où tout ce qu’on vient de voir s’avère parfait et chargé d’émotion. On vient de se remplir d’une beauté qui nous percute et nous laisse hagard. On ne peut en parler tellement nous restons imprégnés du spectacle. Le talent de l’artiste nous a retourné et nos yeux brillant d’émotion en disent long. L’exercice de restitution devient alors de la pure voltige. Mais néanmoins, il nous faut partager ces émotions qu’Andréa Bescond nous a communiquées avec tant de ferveur et de foi à travers son seul en scène Les chatouilles ou la danse de la colère à l’affiche du théâtre du Chatelet lors de deux représentations exceptionnelles. Les qualificatifs élogieux nous manquent pour décrire la beauté et l’intelligence de ce spectacle qui a créé une « standing ovation » de dix minutes laissant son interprète au bord des larmes !

Ce spectacle qui tourne désormais depuis près de deux ans, mis en scène par Eric Metayer, est un pur joyau. Andréa Bescond, ancienne danseuse classique et contemporaine et Molière 2016, se démultiplie sur scène comme jamais, dansant, virevoltant, et interprétant plusieurs personnages à la fois.

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Andréa Bescond s’empare d’un sujet grave dans ce spectacle, à savoir la pédophilie. Faisant le tour de la question, elle évite l’écueil du pathos en apportant sa joie de vivre, son humour et sa rage. Odette, 8 ans, victime d’un pédophile, décrit sa vie, son enfance coincée entre un père faible et une mère névrosée. La mise en scène alterne ses moments de doutes, d’angoisses profondes suggérées, de rêveries salvatrices et de rage profonde. Une rage où la culpabilité est la reine.

Conçu tel un film, la narration d’Odette nourrit le spectacle de retours en arrière astucieux. Les scènes se succèdent ; chez le psy ou au procès… L’enfer d’Odette nous y est décrit. La condamnation du monstre bien souvent ne règle pas les problèmes d’un enfant traumatisé qui développe une culpabilité autodestructrice. La vie s’avère toujours douloureuse à supporter. Comment réussir à vivre enfin ? A être ? Odette s’est lancée à corps perdu dans la danse, une danse vitale où sa rage s’exprime avec force.

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L’écriture de ce spectacle est caractérisée par une finesse et une certaine pudeur qui suggère néanmoins l’essentiel. Enfin, certaines scènes sont de véritables morceaux d’anthologie (dialogues d’Odette et Manu ou encore Odette portant plainte dans un commissariat).

 La force de ce spectacle, outre le sujet brûlant et chargé d’émotions qu’il aborde, réside dans son habileté à prendre à revers les spectateurs. Durant près de deux heures, Andrea Bescond crie de désespoir et nous fait vibrer à l’unisson de ce calvaire qu’elle nous décrit. Ce spectacle qui continuera de tourner sans nul doute est à ne manquer sous aucun prétexte !

Laurent Schteiner
 
Les chatouilles ou la danse de la colère d’Andrea BESCOND
Mise en scène d’Eric METAYER
Lumières :Jean-Yves de SAINT-FUSCIEN
Copyright mention Karine Letellier
 
 

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