« Le Penseur » de Jean-Baptiste Seckler d’après les mots d’Auguste Rodin

Le Lucernaire nous a récemment conduit au Paradis, dans sa salle mythique, pour découvrir un spectacle de toute beauté qui verse dans une originalité prégnante et une simplicité qui force l’admiration. Cette sobriété nous conduit dans l’atelier de Auguste Rodin qui nous entraine au coeur de sa pensée et de son art. Ce spectacle, vu de l’intérieur, nous présente un comédien hors-normes, Jean-Baptiste Seckler, qui s’avère être également un artiste plasticien accompli, sculpteur reconnu qui a créé pas moins d’une vingtaine de personnages au musée Grévin. 

La scène transformée en atelier nous donne cette impression de voyeurisme dans l’antre d’un sculpteur de génie, Rodin. A l’entrée du public, Jean-Baptiste Seckler, est déjà à la tache, façonnant le portrait de Camille Claudel, à l’aide de terre glaise. Le public prend place et regarde religieusement le travail de l’artiste. Puis, Rodin fait une pause et nous propose un instant de grâce poétique. La forte présence scénique de Jean-Baptiste Seckler, alliée aux mots de Rodin jette un pont entre le théâtre et la poésie. Le spectateur est conquis par cette démarche multiple qui ravit les sens du spectateur. Il y a là comme une beauté brute qui se dégage de ce spectacle. Une pièce, hors des chantiers battus de son histoire avec Camille où le public se trouve ramené à l’état de témoin. Si la voix de Camille Claudel nous rappelle fugacement à son propre récit, le coeur de la création bat devant nous et pour nous. Artiste sculpteur mais aussi dessinateur, Rodin croque les formes et les courbes féminines qui n’ont aucun secret pour lui. Appréhendant les courbes féminines à travers un rideau, Rodin se laisse aller à sculpter une chute de reins. Puis la lumière transparait laissant place à la grâce d’un modèle qui, pour quelques instants, inspire son fusain. Ce passage esthétique d’une beauté à couper le souffle nous transporte au coeur même de ce génie. L’oeil pétillant d’intelligence et sa force tranquille sous-tendent son travail de création. Le verbe, le crissement du fusain sur la feuille ou encore le façonnement de la glaise sur le portrait de Camille, tout nous subjugue. On ne peut que saluer ce travail colossal de Jean-Baptiste Seckler pour l’adaptation des écrits de Rodin, son interprétation parfaite et sa mise en scène esthétique et très soignée. Le spectateur quitte à regret cet atelier d’un soir, le coeur assouvi et radieux d’avoir rencontré la beauté.

Laurent Schteiner