Laurent Gutmann, dont nous avions parlé récemment avec sa mise en scène à Malakoff du jubilatoire « Le Prince », signe une adaptation du célèbre conte de Perrault aux éditions Lansmann. « Le Petit Poucet ou Du bienfait des balades en forêt dans l’éducation des enfants » s’annonce résolument plus noir, mettant en exergue une critique acerbe des relations familiales d’aujourd’hui.


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« Le père : Salut. On se connaît ? Depuis que notre fils, le Petit Poucet, est parti vivre sa vie en forêt, ma femme et moi avons pu reprendre un tas d’activités : le basket par exemple, j’ai toujours aimé jouer au basket, ma femme aussi s’y est mise. Nous avions enfin pu faire tout ce que nous rêvions de faire et qui était incompatible avec la vie de famille. Il faut dire que notre Petit Poucet, et ce n’est pas en dire du mal que de dire ça, nous coutait très cher et nous prenait beaucoup de temps. Un enfant comme ça, il fallait avoir les moyens de se le payer. »
Nous connaissons tous l’histoire de ce pauvre Petit Poucet abandonné par ses parents dans la forêt car ceux-ci avaient trop de bouches à nourrir et n’arrivaient plus à joindre les deux bouts. Laurent Gutmann choisit d’en accentuer ici l’horreur en faisant du Petit Poucet l’enfant unique de ses parents. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas l’air d’hésiter énormément entre leur confort personnel chamboulé par l’arrivée de cet enfant et le radicalisme de la décision de s’en débarrasser. Mais le Petit Poucet a de la ressource et finira par faire entendre sa voix.
Dans cette version inquiétante du conte de Perrault, ce qui surprend tout d’abord le lecteur c’est le détachement effrayant dont font preuve les odieux parents du Petit Poucet. Ils nous apparaissent totalement insensibles à l’avenir de leur enfant, comme s’ils regrettaient l’idée même d’en avoir eu un. Ils mettent en perspective de manière glaçante leur vie d’avant les sacrifices arrivés avec la procréation. Une analyse froide et férocement drôle qui met en avant le changement du rapport à la filiation dans notre société, il est dorénavant le fruit d’un vrai questionnement et non plus un automatisme qui suivrait l’évolution naturelle du couple. Pour élever un enfant il faut y être prêt et en connaître toutes les difficultés. Heureusement, malgré la noirceur de ce conte, il persiste une lueur d’espoir sur les déviations de la nature humaine, le Petit Poucet en est un exemple parfait incarnant à lui seul le pardon.
Audrey Jean
« Le Petit Poucet ou Du bienfait des balades en forêt dans l’éducation des enfants » de Laurent Gutmann
ISBN 978 2 87282 959 0
10€
Lansman éditeur
 

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