En Avignon c’est déjà l’effervescence, les rues sont pleines à craquer et les murs sont bien sûr recouverts d’affiches bariolées. Près des remparts pourtant, au Théâtre Ninon se joue une histoire intime, de celles qui sont difficiles à raconter et tout autant difficiles à entendre. « Un jour tu seras un homme papa » un seul-en scène sublime et éprouvant à bien des niveaux, un spectacle cathartique doté d’une charge émotionnelle lourde. L’histoire d’un combat impossible.
Cette histoire, c’est celle de Gaël Leiblang ancien athlète, journaliste sportif, il s’est mis à écrire un carnet de bord , un journal peu importe, tout ce qui pourrait l’aider à survivre, à tenir le coup pendant la pire des épreuves, la mort de son petit garçon Roman. Grand prématuré, souffrant de multiples malformations la courte vie de Roman n’aura duré que quelques jours mais pour ses parents, ses soeurs, il existe et il est essentiel que son souvenir brûle d’une éternelle flamme. Avec une pudeur bouleversante, sans jamais tomber dans une forme de pathos ou de facilité, Gaël Leiblang nous parle, nous raconte Roman, son odeur dont il s’est enivré, l’angoisse, les doutes, les caresses au travers des parois de la couveuse, les questions de ses filles, l’amour. L’amour plus que tout le reste.
Le processus de création est ici intéressant à part entière, Gaël Leiblang n’est en effet pas comédien, il n’avait d’ailleurs jamais envisagé de monter un jour sur une scène. Mais cette histoire c’est la sienne et chaque geste, chaque mot prononcé résonne ici d’une sincérité désarmante. Thibault Amorfini met en scène ce récit avec toute la distanciation et la bienveillance nécessaires face à l’immensité de cette douleur indicible. Tous deux prennent le parti d’y associer le sport, élément essentiel dans la vie de Gaël, ils choisissent ainsi de voir chaque étape de cette épreuve comme une compétition. Le spectateur vit alors le récit des jours éprouvants de Roman avec la tension inhérente au milieu du sport, il éprouve la sensation de coller au rythme du palpitant de Gaël Leiblang, le souffle coupé souvent par une émotion foudroyante. Gaël lui reste droit sous les coups, stoïque face à l’épreuve, affaibli parfois mais il se redresse, enfile ses gants de boxe et rend coup pour coup. Ça ne suffira pas mais ça aidera. Ça les soudera. Ça les maintiendra dans la vie. Pour eux comme pour nous les images resteront. La scénographie épurée associée à l’esthétique du sport en laisseront sur ce plateau de très belles, inoubliables, celles d’un homme qui se bat.
Audrey Jean
« Tu seras un homme papa »Â
Texte et interprétation Gaël Leiblang
Mise en scène Thibault Amorfini
Festival Off d’AvignonÂ
Théâtre Ninon à 11H15