Spectacle coup de cœur de la presse au Festival d’Avignon 2014, la pièce « Les Vibrants » est de nouveau présente au festival cette année au Théâtre Alizé. Quentin Defalt met ici en scène une véritable épopée qui retrace avec émotion le parcours d’un soldat défiguré par la guerre de 14. Un texte particulièrement abouti pour cette jeune auteure Aïda Asgharzadeh que l’on avait déjà rencontré lors du prix jeunes metteurs en scène du théâtre 13. Sublime !

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Une veille de départ à la guerre. Eugène a la fougue et l’assurance de sa jeunesse, il est beau, intelligent, et fier comme un coq à l’idée de défendre son pays dans les tranchées. Un éclat d’obus plus tard son destin bascule, terriblement défiguré il tente de se remettre sur les rails d’une vie qui s’annonce pleine de douleurs. Il trouvera un second souffle dans le théâtre soutenu par l’infirmière Sylvie et surtout sa rencontre providentielle avec Sarah Bernhardt.

Aïda Asgharzadeh, en plus de jouer ici remarquablement plusieurs rôles,signe un texte bouleversant, une fresque très complexe sur la forme. Construite en petites scènes fragmentées, la pièce remet dans l’ordre les morceaux éparpillés du destin cassé d’Eugène, sans aucun temps mort, installant parfaitement les ressorts de son intrigue. L’univers sonore nous immerge immédiatement dans l’horreur des tranchées. La grande guerre fait des ravages et broie les hommes mais ce ne sera qu’une toile de fond savamment utilisée. La guerre est là, partout autour, présente dans la tension des regards, dans les sons, dans les lumières. Pourtant ce qui va nous subjuguer c’est la force d’Eugene à se relever, sa capacité à reconstruire devant nos yeux une vie qu’il croyait achevée. La mise en scène cinématographique nous cueille dès les premières lignes grâce un à sens de la pudeur très touchant. Saluons par exemple la beauté de la scène de rencontre entre Sylvie et Eugène. Ce dernier de dos, son visage nous est caché, ce sera sur celui de Sylvie que l’on lira l’intensité de ce qui se vit à cet instant, sa douleur par procuration face à ce visage détruit. Chaque scène est de cette trempe, sobre, décente, mais aussi vibrante et déchirante. On retrouve cette pudeur également dans l’utilisation de masques et de maquillages pour figurer les gueules cassées des soldats de l’hôpital du Val-de-Grâce, des guerriers fatigués, blancs, fantomatiques à l’image de ces hommes en morceaux, coincés entre la vie et la mort. La force de l’intrigue réside dans le fait que c’est également par le biais d’un masque, le nez de Cyrano de Bergerac en l’occurrence, qu’Eugène pourra revivre. Quentin Defalt comme à son habitude soigne son esthétique et séduira avec « Les Vibrants » les amateurs d’images saisissantes, son plateau est découpé et modulé à bon escient par des voilages blancs qui délimitent les différents espaces-temps de cette histoire romanesque. Il sait à coup sûr s’entourer des meilleurs, son équipe de comédiens est exemplaire, tous abordent leur différents personnages avec une finesse de jeu impressionnante. Difficile cependant de ne pas encenser Benjamin Brenière pour sa performance, tant on entre en complète empathie avec lui de bout en bout, vibrant à ses côtés de tout notre être. C’est un travail d’orfèvre tout en sensibilité et avant tout une magnifique déclaration d’amour au théâtre, celui qui sauve les hommes de leur mal-être et qui guérit les âmes blessées.
Audrey Jean
« Les Vibrants » fresque romanesque d’Aïda Asgharzadeh
mise en scène de Quentin Defalt
Avec Aïda Asgharzadeh, Benjamin Brenière, Matthieu Hornuss et Amélie Manet
Théâtre Alizé à 20H05

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