Festival Off Avignon : En aparté avec Jade Janisset

par | 22 Juil 2025

Une jeune Chorégraphe, Jade Janisset, a créé la sensation au Théâtre de l’Alya avec son spectacle de danse contemporaine, Fragment(s). Ce spectacle incroyable fait salle comble tous les soirs. Devant ce phénomène, la rédaction de Surlesplanches a voulu en savoir plus sur cette jeune prodige dont le dessein est de nous faire rêver… Découvrez l’entretien qu’elle nous a confiés lors de ce festival. Ce spectacle a reçu le Prix de meilleure expression corporelle lors du Palmarès Lueur. Lors de chaque Festival d’Avignon, le Prix Lueur récompense le spectacle vivant à travers son expression corporelle (danse, cirque, clown, marionnettes…)

SLP_ Quel est votre parcours ?

Jade Janisset _ J’ai débuté assez tard quand même à 10-11 ans, j’avais fait beaucoup de gymnastique avant. Et j’ai attaqué dans une petite école de danse privée à côté de Monistrol sur Loire à Firminy exactement, à côté de St Etienne. J’ai commencé par la danse contemporaine, le jazz, le hip-hop (je touche un petit peu à tout). Et puis au fur à mesure je me suis professionnalisée quand je suis rentrée l’année de première au conservatoire de Lyon, au Conservatoire Régional. Au fur et à mesure de l’année, je me suis dit que je n’y resterais pas longtemps. Et c’est là que j’ai tenté le conservatoire national de Paris. Et delà j’ai fait mes 4 ans là-bas et je suis sortie avec mon DNSPD.

Ensuite, j’ai passé mon diplôme d’Etat pour être professeure de danse contemporaine. Je suis arrivée chez Anne-Marie Porras et je suis rentrée dans sa compagnie qui s’appelait Poisson pilote. J’y ai découvert le répertoire. Elle nous avait créé un spectacle mais on avait aussi une pièce de répertoire de Kader Attou the Roots où on dansait sur une forme réduite à 40 mn. Cela a été une révélation où se mêlaient tous les styles de danse. Je me suis un peu fixée l’objectif un jour de rentrer dans cette compagnie, et  2 ans après J’ai postulé à une de ses auditions. Il s’était installé à Marseille avec sa compagnie. J’ai été prise pour sa nouvelle création. J’ai commencé à tourner avec Kader. Pour moi c’était un rêve devenu réalité. Sa pièce s’appelait pièce Prélude qui se joue actuellement à la Scala. Ensuite j’ai dansé Murmures des songes.. Et j’ai eu l’occasion un petit peu de travailler avec Mourad Merzouki sur un projet qui s’appelait Karavane en scène, c’était un projet itinérant un peu sur la région.

Depuis toute jeune, lorsque j’ai commencé la danse dans ma petite école de danse privée, on devait créer des ateliers. j’ai conservé en moi cette passion. Mais j’aime autant danser que la créer et que l’enseigner. Enseigner à des jeunes constitue ma passion, c’est quelque chose qui me plait. J’ai beaucoup fait cela avec mon frère et ma cousine. En 5 ans, je les ai formés, on faisait des concours de danse. j’ai donné aussi des cours à Montpellier lorsque j’étais chez Anne-Marie…

SLP_ Actuellement, vous enseignez ?

J.J._ Actuellement je n’enseigne plus car j’ai voué 15 ans de ma vie non-stop à la danse. C’était la danse, toujours la danse, et si bien qu’il y a 2 ans j’ai décidé de lever le pied.

Et être artiste, ce sont de grands hauts et de grands bas surtout quand on est danseur, il y a des périodes où on a rien et des périodes où c’est, « à fond les ballons ».

Lorsque j’ai attaqué chez Kader, j’ai vraiment mis de côté la partie création. J’avais monté ma compagnie en 2021. J’avais commencé chorégraphier une pièce jeune public parce que j’avais obtenu un prix à  Montpellier d’un concours chorégraphique qui s’appelle le Pic saint loup. Cela m’avait permis de recevoir de la ville  des subventions pour monter. En fait l’année d’après un projet, donc j’ai monté une pièce qui s’appelle le 6e sommeil, qui est une pièce jeune public qui s’est arrêtée pour l’instant, mais qui un jour, sera sûrement remontée. Ensuite, j’ai monté un solo.

Lorsque je suis entrée chez Kader, je n’avais du tout le temps de m’occuper de ça. Il fallait que je fasse mon expérience en tant que danseuse.  Après 2 ans, j’e me suis dit qu’il était temps de lever le pied. Quelque chose ne vibrait plus en moi. J’ai alors pris mon sac à dos et j’ai voyagé pendant 1 à 2 mois. Et c’est de là que  les opportunités se sont ouvertes pour Fragment(s).

Bruno Catalano que je connaissais depuis 10 ans m’a proposé d’être modèle. Cet artiste sculpteur exposait dans les galeries Bartoux.  il était venu voir déjà une de mes pièces solo créée il y a 4 ans. Il appréciait beaucoup mon travail. Je lui ai demandé un jour s’il serait d’accord pour que je fasse une pièce avec une de ses sculptures. Il a accepté avec plaisir. En fait durant mon road trip, il s’est avéré que Bruno exposait dans une nouvelle galerie Bartoux à New York sur Madison Avenue. Sachant que je partais aux Etats-Unis pour bourlinguer, il m’a proposé de faire l’inauguration et de faire une performance avec des danseurs new yorkais. Et tout s’est enchainé.

Vu que je n’avais que peu de temps à consacrer avec les danseurs de là-bas, est-ce que ce ne serait pas le moment d’attaquer des résidences avant ? Il y a un an, j’ai préparé et monté ce projet-là. Il était très compliqué de trouver un compositeur qui représente l’univers qu’on recherche.

A la suite de questions réponses sur les réseaux sociaux, j’ai exprimé ma vision d’un artiste et quels étaient mes objectifs en tant qu’artiste. Et c’est Lorsay qui a composé la musique. Ils m’ont contacté car ils avaient vu ma vidéo sur Instagram. Ils me connaissaient auparavant m’ayant vu jouer dans Prélude. Ils avaient toujours voulu me confier qu’ils adoraient ce que je dégageais sur scène. Ainsi, ils étaient partants pour un partenariat. Ce qui est fou, c’est que ces rencontres sont arrivées à point nommé. Et avec Alex qui compose la musique (ils sont 4), cala a vraiment matché. Deux versions ont été élaborées en version intérieure et extérieure. On a beaucoup travaillé à distance.

SLP _ Quelle est la discipline qui vous convient le plus, le hip-hop, la danse contemporaine…, ?

J.J._ Moi ce qui me plaît plus, je vais vous dire un secret, mais c’est très drôle parce que les danseurs, le savent. A la base, je suis fan de Michael Jackson.
J’ai toujours voulu apprendre plein de choses. Mon objectif en fait quand j’ai commencé à avoir un peu de maturité.

Il faut pour moi en tant que danseuse avoir une danse de prédilection où on est très bon pour pouvoir après sourire sur d’autres styles. On ressent  sûrement une sorte d’hybridité car je ne me suis jamais enfermé dans aucune case. En revanche, je peux vous le dire que j’ai travaillé comme une acharnée pour être très bon en jazz et en contemporain.

Ma danse de prédilection est  le jazz contemporain. Aujourd’hui je n’ai jamais pris un cours de hip-hop de ma vie. J’ai créé un façon de bouger, sans être imbue de ma personne. J’ai toujours regardé les gens qui étaient au-dessus et  je n’ai jamais eu une once de jalousie. C’était wow ! J’ai envie d’arriver à ce niveau-là et j’y arriverai en fait.

Copyright Valentin Freland

SLP_ Pourquoi cette discrétion par rapport à cette préférence, à cette prédilection, être vu un comme une artiste pluridisciplinaire. Pourquoi la cacher ?

J.J. _ Ce n’est pas de le cacher. C’est une fierté de se dire qu’on arrive à maîtriser des des styles de danses. Il faut dire que j’ai vraiment tellement bien bossé et je me suis vraiment épanouie dans ce que je fais. Maintenant que les gens se posent la question, ça fait plaisir parce qu’en France, notamment on nous amène à être bon dans quelque chose. Mais rarement à ouvrir sur l’extérieur. Et moi c’est un peu ma vie en tant qu’artiste de s’ouvrir. C’est toujours porteur de rencontres… Avoir créé un spectacle comme Fragment(s) ou justement j’ai cette forme d’hybridité dans ma danse. J’ai rencontré aussi des danseurs  hip-hop. Concernant le Break, j’arrive à me débrouiller. Les échanges font progresser car ce n’est pas du tout les mêmes techniques, les mêmes approches. Cette forme d’hybridité je ne l’aurais pas si j’avais j’étais restée que dans mon ma zone de confort.

SLP_ Comment un spectacle de danse se conçoit ?

J.J_ Écoutez personnellement, je rêve beaucoup et j’ai envie de partager depuis toujours.  C’est comme je dis, ça a débuté, il y a 10 ans. J’ai u cette idée là par la rencontre de Bruno car j’ai trouvé son travail fascinant. Mais après ça m’a valu quand même 10 ans de réflexion de comment ne pas reprendre le message de Bruno et  comment me faire mon propre mon message en tant qu’artiste.

Après comment cela se construit ? On imagine des choses, le message qui m’importe. ensuite,  j’aime beaucoup la scénographie et j’y apporte quelque chose sur scène. Parfois c’est un mal pour un bien  parce que cela pose un cadre mais les budgets créent d’autres soucis…(rires). Concernant Fragment(s), j’avais mon idée, il y avait le travail de Bruno, mais je voulais apporter quelque chose. C’est là que j’ai imaginé ces blocs qui sont un écho au travail de Bruno. Les blocs arrivent, je dispose de mes danseurs. Cela n’a pas toujours matché avec les danseurs. Ainsi le spectacle que vous avez vu, c’est la 3e distribution.

Comment je travaille en studio ? J’apprends à connaître mes danseurs. Parce que cette cohésion que je pense que vous avez pu voir sur scène, est dû au fait que justement je n’ai pas gardé  que ma place en tant que chorégraphe. Tout simplement parce que j’essaie de partager avec eux des moments intimes. Il faut savoir quand on est en résidence de création, on discute et je leur présente le projet… Nous vivons en général 10 jours ensemble au minimum. Ensuite, après dans le studio, ma manière est de les mettre dans des ateliers et de leur faire proposer des choses. Je propose beaucoup de choses en tant que chorégraphe. Ils ont proposé des duos que je suis venue retravailler.

Je suis arrivé avec une globalité et avec les individualités, j’ai construit ce spectacle là en discutant avec eux en partageant avec eux dans l’intime dans studio.

SLP-_ Comment financez vous un tel projet ?

J.J._ Nous avons été soutenus par des dons de mécénat, Bruno étant un artiste sculpteur connu et travaillant avec les galeries partout. Ensuite d’autres sociétés comme La Boule au But ou des sociétés à plus petites échelles. Cela nous a permis de boucler un budget de création et un budget pour Avignon.

SLP_ quelles sont vos attentes ?

J.J._ La première des choses serait de continuer à faire rêver les gens comme à Avignon et faire tourner ce spectacle. Réunir des publics de tous âges. Je pense que cela manque un petit peu. Enfin je souhaite que mes danseurs s’épanouissent car il s’agit d’un travail impressionnant de corps et d’âme.

J’ai un projet avec l’une de mes danseuses, un duo. Nous avons 2 dates au Puy-en-Velay. C’était à la base un solo que j’avais monté, Petrouch’K, sans paroles. Un spectacle de dérision et d’auto-dérision sur la solitude. Ce projet s’appellera Chambre 1911. Il y aura des textes sur Fabrice Lucchini. Le tout avec de la musique créée par Lorsay bien sûr. Cela sortira en décembre. On fera une sortie de résidence à Vitrolles la semaine du 20 octobre.

Propos recueillis par Laurent Schteiner.

 

 

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