Après un beau succès en 2010 La compagnie La Mandarine Blanche revient au festival Off d’Avignon avec son spectacle « Face de cuillère », un monologue de Lee Hall ici brillamment interprété par Laetitia Poulalion. Sans jamais tomber dans un pathos attendu à la lecture du sujet, l’actrice fait jaillir la parole de ce personnage étrange et attachant. 
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« Il y a le jour et la nuit et le noir et le blanc et toutes ces choses mais au tout commencement et à la fin – tout ne sera plus séparé et il n’y aura pas de moi ou de toi – il n’y a aura pas de ceci ou cela, pas de petits chiens ou va savoir, il y aura que tout est pareil – et chaque instant c’est pour toujours. »

Face de cuillère, c’est le surnom de cette petit fille au destin tragique. Autiste de naissance elle doit ce sobriquet à la forme ronde de sa tête, comme lorsque l’on cherche son reflet dans une cuillère. Elle aime la vie Face de cuillère, et pourtant celle-ci ne lui rend pas trop son affection. En plus de sa différence elle se bat contre un fléau ravageur, le cancer la ronge. Mais elle ne se laisse pas abattre Face de cuillère. Sa respiration elle la trouve dans l’observation bienveillante du monde qui l’entoure et surtout dans les airs d’opéra qui la transporte. Elle nous livre sa vision des gens, des choses, ses pensées intimes, parfois comme elles lui viennent, brutes et désordonnées, mais toujours avec une poésie bouleversante. Ce regard innocent et lumineux sur la vie malgré les épreuves que cet enfant traverse touche le spectateur au cÅ“ur, avec délicatesse sans jamais verser dans un mélodrame convenu. C’est en partie dû à la scénographie troublante mettant en lumière un plateau blanc, immaculé. Est-ce déjà le cocon confortable qui accueillera l’âme pure de Face de cuillère, un au-delà doux et apaisé ?  ou ce monde mystérieux et fragile dans lequel elle vit lorsqu’elle est enfermée dans sa tête ? Peu importe, l’esthétique agrémenté de sculptures magiques en papier nous enveloppe dans un espace temps indéfini, un endroit où l’on pourrait toucher des anges. La mise en scène d’Alain Batis est sobre, laissant la part belle à la somptueuse voix de Maria Callas et au jeu investie de son actrice. Laetitia Poulalion a cherché un corps, une voix qui lui permette de devenir cet enfant minuscule et immense à la fois. Sa diction particulière et sa gestuelle saccadée devienne au fil du spectacle une mélodie lancinante en parfaite adéquation avec la musicalité du texte. Un travail précis et extrêmement sensible à découvrir au Théâtre Le Grand Pavois ! 

Audrey Jean 

« Face de cuillère » de Lee Hall 

Traduction de Fabrice Melquiot 
Mise en scène Alain Batis 
Avec : Laetitia Poulalion 

Festival d’Avignon 
Théâtre Le Grand Pavois à 15H40 
13 Rue de la Bouquerie 

 

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