En aparté avec Elisabeth Bouchaud
Elisabeth Bouchaud, Directrice du Théâtre de la Reine Blanche, nous a fait l’amitié de nous présenter son prochain projet théâtral, le Premier homme de Camus. Ce texte publié inachevé constitue un plaidoyer sur la non-violence qu’il développa au moment de la guerre d’Algérie. Elisabeth et Jean-Philippe Bouchaud ont signé l’adaptation de ce projet alléchant à bien des égards.
SLP_ Pourquoi avez-vous adapté cette autobiographie inachevée ?
Elisabeth Bouchaud_ C’est un roman que mon mari et moi-même avons adapté. Nous avons beaucoup aimé ce roman car il y a beaucoup de choses qui résonnent en moi venant de Tunisie, l’évocation d’une enfance algérienne me touche particulièrement. Disons qu’il s’agit là de la toile de fond. Ce qui nous tenait à coeur était de parler de la position de Camus pendant la guerre d’Algérie. Nous vivons une période rongée par les conflits et où les positions des uns et des autres se raidissent. Le droit à la nuance existe peu s’il existe encore. La position de Camus est particulièrement nuancée, équilibrée. Son discours d’Alger en janvier 1956. reproduit en partie dans la pièce, résonne étonnamment aujourd’hui où il est fait peu cas de la simple humanité.
Nous avons pris le parti de relier le Premier homme avec les Chroniques algériennes. Camus, parti à la recherche d’un père qu’il a peu connu, découvre l’Algérie et également le legs de son père. Cet héritage moral se caractérise par l’horreur de la violence. Il fera sien de ce legs l’appliquant à la situation algérienne. Il s’agit là du fil conducteur de la pièce.
SLP_ Comment avez-vous traité la transition entre le Premier homme et les Chroniques algériennes ?
E.B._ Nous les avons traités à  travers les faits de violence relatés dans l’histoire personnelle de Camus.
SLP_ Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans ce projet ?
E.B._ Nous aimons Camus depuis longtemps. L’envers et l’endroit est un texte admirable. Les Noces à Tipasa me touchent aussi beaucoup. Et puis, il y a cette histoire singulière de ce petit garçon issu d’une famille tellement pauvre, repéré par son instituteur, M. Germain, qui convainc sa grand-mère de le laisser aller au Lycée. La suite, on la connait, il deviendra Prix Nobel de Littérature. Et nous avons été touchés par le courage de la nuance exprimée par Camus sur la guerre d’Algérie. Sa position a été tellement décriée par sa famille politique de gauche qu’il s’est retrouvé dans une solitude abyssale. il faut accepter la complexité des choses, ne pas caricaturer la réalité et le prétendu ennemi pour avoir raison. Lorsqu’on simplifie les problèmes à l’extrême, il n’y a que de mauvaises solutions.
SLP_ Quel sera le dispositif scénique ?
E.B._ Je ne le sais pas encore. C’est Benoit Giros qui assure la mise en scène. Ce que je peux vous dire est que la pièce commence et finit dans un cimetière. Ce qui a beaucoup frappé Benoit.

(c) Pascal Gély
SLP_ Quelle sera la distribution ?
E.B._ Il y aura 4 personnages. M. Germain, l’instituteur de Camus, sera joué par Emmanuel Dechartre, Camus par Félicien Juttner, le colon par Jean Alibert et je jouerai, pour ma part, la mère de Camus.
SLP_ Quand cette création sera visible ?
E.B._ On va la créer à Paris le 4 juin 2026. On jouera une dizaine de dates à Paris. Elle partira ensuite directement à Avignon. A la rentrée 2026, elle sera reprise à Paris.Â
Propos recueillis par Laurent Schteiner.
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