Catherine Verlaguet s’empare d’un sujet complexe et délicat dans sa dernière pièce récemment parue aux éditions Théâtrales « Braises ». En plongeant le lecteur au cÅ“ur d’une famille d’immigrés tiraillée entre traditions et modernité, elle ouvre un débat nécéssaire sur de nombreux points d’actualité. Bouleversant !

9782842606671

Epaulée par sa mère, Leïla s’apprête à vivre le plus beau jour de sa vie, son mariage. La visite impromptue de sa sÅ“ur Neïma pourrait cependant bien gâcher la fête. En effet la jeune femme en rupture avec le reste des siens ne semble être revenue que pour crever l’abcès de ce qui paraît être au départ un banal conflit familial et intergénérationnel. Mais à y regarder de plus près, la fracture est bien plus profonde et le mariage n’est peut-être pas aussi heureux.

« Leïla : Mais comment tu fais cohabiter les différents points de vue, en toi ? Hein ? Comment tu fais ? 
Dans un monde on t’apprend que ton corps t’appartient, qu’il faut te respecter et que c’est à toi de décider, avec ton corps, avec ta tête, quoi faire de lui. On te parle de préservatif, de pilule, d’avortement, même de droit au plaisir…
Dans l’autre monde, on t’apprend que ton corps ne t’appartient pas, mais à celui auquel tu seras marié. Jusque là, ton corps il faut le cacher, le préserver… »

Catherine Verlaguet aborde frontalement la question de l’intégration des différentes générations d’immigrés avec ce texte courageux. Sans détours elle traite ici de plusieurs problématiques en s’intéressant de près à deux jeunes femmes d’origine maghrébine. Le rapport conflictuel avec la figure du  frère ainé, le port du voile, le respect de l’autorité paternelle,  autant de thématiques complexes qui nous sont ici livrées au travers du prisme de trois femmes : la mère, Leïla et Neïma. En plaçant leur statut de femme au premier plan Catherine Verlaguet parvient toutefois à élargir le débat, à ne pas le confiner à sa première portée idéologique. Car au delà des coulisses de ces trop nombreux mariages arrangés ce qui choque ici c’est la totale absence de liberté de penser de Leïla, son conditionnement. Dès l’enfance le destin de ces deux jeunes filles semble avoir été planifié par les hommes de la famille, représentant par extenso tout le poids des traditions du pays d’origine. Elles sont pourtant françaises sur le papier Leïla et Neïma mais ne ressentiront jamais la possibilité de l’être totalement, librement. La religion, la famille, la peur du déshonneur les maintiennent depuis toujours dans une rigueur étouffante, un cadre poisseux qui ne colle pas au décorum du pays d’accueil. La comparaison avec la vie de leurs amies à l’école, avec les gens qui les entourent au quotidien leur rappelle sans cesse qu’elles ne sont pas réellement intégrées, qu’elles ne le seront sans doute jamais. Par bribes, l’histoire douloureuse de cette famille se dessine, resserrant l’étau autour du personnage, plus émancipé, de Neïma. Dans un flux tendu et ininterrompu  entre les trois femmes, le lecteur devine peu à peu les contours du drame jusqu’à en comprendre toute l’horreur dans un final saisissant. Catherine Verlaguet questionne ainsi avec force le lecteur sur la société actuelle dans ce qu’elle a de plus barbare et d’intolérant. Un texte choc et audacieux à découvrir aux éditions Théâtrales !

Audrey Jean

« Braises » de Catherine Verlaguet 

ISBN 978 2842 606671

9,50€

éditions Théâtrales 

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