Pour Shakespeare, cette Å“uvre s’apparente davantage à une comédie de Noël en dépit d’un début convenu voire classique. Mais l’auteur, en posant les bases de son histoire fortement inspirée de Pétrarque, nourrit son propos avec humour, légèreté et fantaisie. Le verbe fait mouche et la finesse est au rendez-vous, démontrant plus que jamais le génie de Shakespeare.

Quatre aristocrates s’engagent-ils à étudier trois ans sans voir femme qui vive? Le hasard voudra que leur serment à peine scellé, quatre beautés se présentent au palais. La galanterie commande qu’elles y soient reçues avec empressement mais le serment contraint à les «loger aux champs». Une quadruple intrigue amoureuse pourrait toutefois se nouer : au premier regard, les quatre aristocrates oublient études et serment pour ne plus penser qu’aux sonnets qui déclareront leur amour à ces dames. Les entrées et sorties entre «cour» et «jardin» au théâtre permettent à ces sonnets précieux, confiés à des rustres incapables de les lire mais empressés à les transmettre, de circuler entre diverses mains. Ces imbroglios de commedia dell’arte ne suffiraient pas à empêcher l’intrigue amoureuse d’aboutir si l’ironie vengeresse des quatre dames, éconduites avant que d’être aimées, ne veillait à ce que toute peine d’amour soit d’avance perdue.

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L’ambiance générale joue d’abord sur le côté solennel de la déclaration royale, mais tourne vite à la frivolité et à la légèreté dès qu’il devient évident que les engagements des quatre jeunes seigneurs ne seront pas tenus. On se retrouve dans une forme proche de la farce lors de l’épisode des déguisements (acte 5) et des quiproquos qui s’ensuivent. Puis l’ambiance retrouve peu à peu de son sérieux et se conclut par la nouvelle tragique de la mort du roi de France qui nous ramène au ton solennel du début. La demande des femmes imposant une abstinence d’un an aux quatre hommes contribue également à faire de cette histoire une sorte de roue qui se referme sur elle-même puisqu’ils se retrouvent ainsi à nouveau engagés dans leur défi initial.

Laurent Schteiner

Peines d’amour perdues de Shakespeare
Prix  ISBN : 978-2-07-046367-1
Traduit par Jean-Michel Déprats
Édition bilingue
Collection Folio n°164
Parution : 3 septembre 2015
www.folio-lesite.fr

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