Jeanne Benameur nous gratifie chez Actes Sud-Papiers d’un ouvrage composé de deux monologues où l’inspiration existentielle à la liberté des ces deux individus s’exprime notamment avec Je vis sous l’œil du chien  et L’Homme de longue peine. Ces deux monologues l’un narré par un homme et le second par une femme ont en commun ce rapport à l’intime, à l’existentiel qui rappelle à bien des égards l’œuvre « Sartrienne ». Ces deux histoires à mi-chemin entre entendement et égarement, soulèvent des questions philosophiques sur notre propre existence.
 
Un homme, enseignant de profession, découvre à la mort de son père que ce dernier disposait d’un révolver dans le tiroir de sa table de chevet. Découvrant l’objet, il prend conscience qu’une partie de la vie de son père lui avait totalement échappée. Par-delà cette découverte, c’est toute sa vie qu’il remet en question. Une existence qui lui échappe. S’imaginant enchainé tel un chien à une laisse, il aspire à une liberté plus grande encore que celle qu’il connaissait. Il ne peut plus vivre ainsi. En tuant un chien sous les yeux d’un jeune garçon qui le regarde au loin sur un terrain vague, il se débarrasse du symbole qui l’emprisonnait, estimant du même coup rendre un service à ce jeune garçon. Ce geste salvateur, pour lui, lui permettant à son tour d’être aussi libre que lui.  A ce titre, « un révolver peut-être plus fort que tous les cours de philosophie ? »
 
je vis sous l'oeil du chien 
Le second monologue met aux prises une femme qui ne vit qu’à travers l’homme qu’elle aime et qui est emprisonné. Vivant de parloir en parloir, elle a construit son existence dans la peinture où elle peut exprimer sa part de liberté. Elle lui envoie régulièrement ses toiles. Puis un jour, il décide que tout doit s’arrêter et se finir. Il ne veut plus d’elle. Elle ne comprend plus. Son équilibre s’effondre. Lui entre quatre murs au-dedans, est-il plus libre qu’elle ? La peinture reste en suspens. Des rencontres avec d’autres hommes vont nourrir cette vie qui bouillonnait en elle avec ses désirs d’une vie normale. Quelque chose qu’elle ne pouvait partager avec lui. « Elle voulait devenir son horizon. Mais personne n’est l’horizon de personne ». Cet horizon matérialisé dans ses peintures l’enfermait et la privait de liberté. Cette brutale rupture de visites au parloir lui fait découvrir que son propre corps est son horizon et que « cet homme est devenu un petit point pour s’accrocher et  avancer ».
 
C’est avec finesse et philosophie à travers un révolver ou la peinture que Jeanne Benameur nous fait toucher du doigt la complexité de l’âme, dans sa quête effrénée de liberté. Les personnages de cet ouvrage se débattent et mettent à jour la difficulté d’être en recherchant une liberté propre à nourrir leur existence. Un ouvrage intense et fort à découvrir !
 
Laurent Schteiner
 
Je vis sous l’œil du chien suivi de L’Homme de Longue Peine de Jeanne Benameur
 
Prix conseillé 13,50 €
ISBN : 978-2-330-01439-1
 
Actes Sud-Papiers
18 rue Séguier
75006 Paris
www.actes-sud.fr

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