Malgré une journée de retard dû au mouvement de grève des intermittents, Le IN d’Avignon démarrait cette saison avec une mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti. « Le Prince de Hombourg » fut la dernière pièce écrite par Heinrich Von Kleist avant son suicide. Elle aborde non sans onirisme le destin funeste d’un chef de cavalerie tiraillé entre obéissance et désir de gloire. Actes Sud papiers nous permet de redécouvrir ce texte emblématique qui parait parfaitement à propos pour illustrer le climat tendu autour de la culture française ces derniers temps. 
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Maintenant, ô immortalité, tu es toute à moi !
Tu brilles à travers le bandeau de mes yeux
Avec l’éclat de mille soleils ! 
Des ailes poussent à mes deux épaules, 
Mon esprit s’élance dans le calme des espaces éthérés ; 
Et comme un bateau qui, ravi par le souffle du vent, 
Voit s’engloutir le joyeux tumulte du port, 
Ainsi pour moi toute la vie dans un crépuscule qui s’abîme :
A présent, je distingue encore des couleurs et des formes, 
Et à présent tout n’est plus que brouillard sous moi. 
 
A la veille d’une grande bataille, Fréderic d’Hombourg lors d’une crise de somnambulisme déclare son amour à la nièce de son souverain. A son réveil, ne sachant pas si ce qu’il a vécu fut réel ou non, il est gagné par un trouble sensuel et paradoxalement une confiance en lui à toute épreuve. Il se laisse alors guider par son désir de pouvoir et se lance à l’assaut des opposants sans écouter les ordres de son souverain. Il sera condamné à mort pour son indiscipline alors qu’il permet a ses soldats de gagner la bataille grâce à son insubordination. Ce texte met ainsi le lecteur face à une interrogation empreinte d’anxiété : A quel prix doit on suivre son intuition, son désir profond souvent révélé par notre inconscient dans les rêves ? Ce prince de Hombourg héros malgré lui, victime d’un rêve prémonitoire fatal sera le jouet d’une autorité implacable mais il aura malgré le sacrifice de sa vie la satisfaction d’être allé au bout de ses convictions. Cette œuvre presque ésotérique nous renvoie donc à nos responsabilités face à toutes les formes de pouvoir en faction, nous questionnant sur la force de la passion face au poids du devoir. Fréderic d’Hombourg, digne cousin éloigné d’Hamlet, a su en tous les cas ravir le public de la cour d’honneur du Palais des Papes; la pièce mise en scène par Giorgio Barberio Corsetti a apparemment bénéficié d’un très bon accueil. 
 
Audrey Jean  
 
« Le Prince de Hombourg » de Heinrich Von Kleist 
Traduction de Ruth Orthmann et Eloi Recoing 
 
ISBN 978 2330 031763
16€
 
Actes Sud-papiers 
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