Théâtre : « Robinson » de Erwan Creignou, d’après l’œuvre de Daniel Defoe

Le Lucernaire nous offre une version familiale et enthousiasmante de cette célèbre histoire de Daniel Defoe. Erwan Creignou qui en a signé l’adaptation, a su puiser son inspiration auprès d’une multitude d’auteurs (Daniel Defoe, Michel Tournier, Patrick Damoiseau, Gilles Deleuze, Jules Vernes…). Amoureux de ce récit, Erwan Creignou a voulu transcrire sur scène cet épisode enrichissant son propos de questions actuelles. 

Il y a dans ce récit des traces impalpables de notre jeunesse. Construire une cabane et en faire son univers. Etre seul au monde… mais pas trop quand même ! Ce récit prend racine dans nos fantasmes de jeunesse. Mais il est également question de survie, de dépassement de soi, de dominer le désespoir qui peut s’battre sur tout un chacun face à la solitude.

Telle est l’étrange histoire de Robinson dont le bateau fait naufrage au large des côtes du Chili le 25 septembre 1659. Il échoue sur une île, apparemment le seul rescapé de son navire. C’est ainsi que commence sa nouvelle vie… Lorsque le désespoir le gagne, il lui arrive d’entendre la voix de son père qui l’accable de reproches devant son voeu de devenir marin. Puis il se reprend et découvre son environnement qui lui fournit de quoi survivre. Un jour, il voit débarquer des cannibales qui s’en prennent à des indiens prisonniers. Il en sauve un avec qui il tente de lier connaissance. Mais stupeur ! Il n’a pas affaire au bon sauvage, Vendredi, dont parle Daniel Defoe dans son oeuvre, mais d’un ancien marin indigène du nom de Will et qui parle parfaitement sa langue…

Cette surprise tranche avec l’oeuvre originelle permettant au propos du spectacle d’ouvrir sur une confrontation différente, trop souvent réduite et stigmatisée comme la domination de l’homme blanc sur le bon sauvage. Dans ce cas de figure, Robinson a tout à apprendre de la vie en plein air. Cette inversion des rôles éclaire un chemin intelligent où l’autre constitue une source d’apport et d’aide essentiels.

Disposant d’une belle et intelligente scénographie, Erwan Creignou nous retrace la tempête qui a vu chavirer son navire ainsi que l’île qui l’a accueillie. Erwan Creignou se dépense sans compter créant l’illusion de partager son aventure avec le public. Ce spectacle constitue un bel hommage à tous les Robinson. On ne peut oublier dans ce prolongement le film Seul au monde de Robert Zemeckis avec Tom Hanks. Ce spectacle délicieux souffle un brin de modernité en se situant au croisement de la nostalgie de notre enfance et de l’ouverture sur des sujets actuels qui nourrissent notre société. Une belle synthèse pour ce spectacle familial à découvrir !

Laurent Schteiner.