Festival Off Avignon : « Colette chambre 212 de la cie Desse

Judith Desse nous a gratifié d’un magnifique spectacle de danse, Colette chambre 212 au Théâtre de l’Entrepôt. Ce spectacle nous entraine au sein d’une maison de retraite en compagnie de deux femmes vulnérables dans l’attente… Ce spectacle original, brillant et intimiste nous fait entrevoir un Ehpad vu de l’intérieur. 

Dans une scénographie essentiellement en noir et blanc, deux pensionnaires de l’Ehpad, recouverts d’argile, sont figées dans l’espace. Les gestes sont lents et minimalistes. Une fraise fixée autour de leur cou nous informe qu’elles sont pensionnaires de l’établissement. Une fois la fraise remontée sur la tête tel un turban, elles deviennent des aides-soignantes. La scène est jonchée d’une poudre blanche qui est en osmose avec cet univers morose. L’opéra ave Maria de Giulio Caccini resonne dans cet espace ultime où l’on essaye de redonner des couleurs à la vie. Entrecoupé d’extraits sonores, ce spectacle témoigne de la routine de vie de Colette qui s’épanche et se livre. On reste subjugués devant la qualité esthétique de ces danseuses qui entreprennent des chorégraphies caractérisées par des gestes saccadés et rapides. Puis la routine de la pensionnaire et de son aide-soignante reprend ses droits : toilette, déjeuner, collation…sans oublier l’anniversaire. Derrière le pathétique du crépuscule de ces vies, une forme de poésie du moment se dégage proposant des brides de joie et de bonheur. Il y a dans ce spectacle une forme de sacralité qui nous hypnotise.. Faute de moyens, ces institutions font ce qu’elles peuvent pour maintenir un système qui prend l’eau de toutes parts.  Les pensionnaires délaissées parfois par leurs proches, n’aspirent qu’à partir, quitter un monde sans espoir ou s’envoler dans les songes. Ce spectacle plein de pudeur et de finesse brille par sa qualité esthétique et poétique. Judith Desse nous a livré un spectacle plein d’humanité sur ce temps de l’existence qui en manque profondément.

Laurent Schteiner