Théâtre : « Move on over or we’ll move on over you » par le Collectif F71

par | 13 Mai 2023

Dans le cadre de la BIAM (Biennale Internationale des Arts de la Marionnette), le théâtre du Fil de l’eau à Pantin, nous a récemment proposé un spectacle incroyable, Move on over or we’ll move on over you par le Collectif F71. Mis en scène de façon lumineuse par Stéphanie Farison, ce spectacle, met en lumière par delà les clichés et son invisibilité, le mouvement révolutionnaire du Black Panther Party for Self-Defense né dans les années 60 aux Etats-Unis. 

D’entrée de jeu, le public est plongé au coeur même d’un atelier de sérigraphie appartenant aux Black Panthers Party. Trois bénévoles, 2 hommes et une femme s’activent à imprimer des tracts, des journaux ou encore des affiches du mouvement. Ce mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine d’inspiration marxiste-léniniste et maoïste a été créé par Bobby Seale et Huey Newton en 1966 afin de faire face aux discriminations et à l’apartheid dont les noirs étaient les victimes et en payaient le prix fort. La contestation s’est peu à peu ramifiée et s’est structurée au plan national. Le pouvoir en place discriminant n’entendait pas en rester là. Les actes de coercition, les intimidations et les arrestations se sont multipliées sous l’action du FBI. La désinformation mettait en avant la violence, l’activisme terroriste des noirs américains. Cette image est restée vivace dans les consciences jusqu’à présent. Mais les années 1960 ont été fortement marquées par l’importance de la mobilisation pour les droits civiques conjuguée à la persistance des inégalités socio-économiques entre Noirs et Blancs. Sous l’effet de la pauvreté, des relents racistes, des altercations entre noirs et policiers, le Voting Rights Act devenait évanescent. On retiendra que le Black Panther Party tenta d’apporter une réponse sociale à l’ensemble de la communauté avec bon nombre de programmes d’aide. Ce mouvement finira par s’étioler dans les années 70.

Stéphanie Farison, à travers ce spectacle, a cherché à briser les clichés de violence attachés à ce mouvement de libération en butte avec le joug discriminatoire et raciste du pouvoir blanc américain. En créant un spectacle participatif, où les protagonistes sur scène font oeuvre de pédagogie avec le public en explicitant la situation désespérée des noirs américains dans les années 60, Stéphanie Farison a dressé les contours d’une réécriture de l’histoire de ce mouvement populaire noir. Les fondements du 2e amendement de la Constitution américaine sont clairs : « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé. » C’est ainsi que les personnages sur scène ont distribué aux spectateurs des tracts mentionnant cet article. Ils ont complété le tableau en relatant la création de contre-patrouilles sur tout le territoire pour chaque noir américain en situation de détresse ou traqué par des policiers blancs. Chaque patrouille était composée d’un activiste disposant du matériel juridique du 2e amendement, d’un homme armé comme le prévoit la loi et d’un homme susceptible d’enregistrer la conversation entre un policier et un noir interpellé. Peu après, ces milices furent interdites par le pouvoir. Le programme Free Breakfast for Children utilisait le terme « pigs » (cochons) pour décrire ces agents de police corrompus ainsi que pour avoir apporté des armes à feu au Capitole de l’Etat de Californie. Entre Voting Rights Act et les décrets coercitifs, le pouvoir américain s’enlisait dans ses propres contradictions.

Il convient de souligner l’originalité du propos de ce spectacle où l’aspect participatif a contribué à révéler les aspects édulcorés et controversés de cette tranche d’histoire qui apparait plus complexe qu’elle n’y parait. En créant avec un grand réalisme un atelier de sérigraphie sur scène, Stéphanie Farison, a apporté un contrepoint à une histoire manichéenne quelque peu malmenée et très orientée. Au sein de ce lieu de militantisme noir en butte à son propre désespoir et vivant sans cesse sur le qui-vive, les comédiens, tous excellents, traduisent ce souffle de liberté palpable où les chansons traduisent la fierté de toute une communauté et l’espoir d’un monde meilleur.

Laurent Schteiner

MOVE ON OVER OR WE WE’LL MOVE OVER YOU

Un projet du Collectif F71

Texte et mise en scène de Séphanie Farison

Jeu : Joris Avado, Maxence Bod et Camille Léon Lucien

  • assistante à la mise en scène : Fanny Gayard
  • Collaboration dramaturgique : Lucie Nicolas
  • Scénographie et dessins : Lucie Auclair
  • Création sonore : Eric Recordier
  • Création lumière : Laurence Magnée
  • Régie générale te construction : Max Patiron
  • Régie lumière : Laurence Magnée et Emerci Teste (en alternance)
  • copyright : Jeanne Bodelet

 

Share This