Théâtre : « Larzac » de Philippe Durand

Le ton est donné. Ce sera celui de ce haut plateau où les paysans parlent franc et dont les explications sont toutes frappées au coin du bon sens. L’accent prête à sourire mais le déroulé interpelle, fascine et envoute. Le public devient avide d’explications et de compréhensions des enjeux de cette période. Comment cette autogestion a pu devenir le laboratoire foncier de la paysannerie française ?

La crise du Larzac remonte au projet d’extension du camp militaire en octobre 1971. Six mois plus tard, 103 paysans du Larzac font le serment qu’ils ne quitteront pas leurs terres. La lutte s’engage et il faudra une dizaine d’années pour que l’Etat abandonne son projet. Peu après, une société civile sera constituée sur les fonts baptismaux de cette victoire. La S.C.T.L. (la Société Civile des Terres du Larzac) est née. Un bail emphytéotique de 60 ans est signé avec l’Etat. La S.C.T.L. signe des baux de carrière à chaque agriculteur sur la base d’une valeur d’usage qui lui sera rendu à la fin de son activité. De la même manière des prêts à usage seront signés avec les non-agricoles.

Ces témoignages essentiels et truculents nous font entrer dans la cuisine administrative parfois complexe de cette expérience inédite qui se poursuit toujours. En effet en 2013, le bail emphytéotique a été prolongé jusqu’en 2083. Les problèmes en interne se sont résolus grâce à la sagesse des sociétaires qui ont fait preuve d’une grande créativité pour mener à bien cette autogestion qui semblait, à la base, improbable. La valeur foncière s’est effacée au profit d’une valeur d’usage plus juste et moins contraignante pour les futurs agriculteurs. Ces baux assurent ainsi la survie de jeunes agriculteurs qui débutent dans le métier. Les dossiers sont examinés avec soin par une Assemblée Générale qui se réunit 2 fois l’an. A travers ces témoignages, Philippe Durand a extrait l’essentiel de l’âme  de ces habitants de ce plateau. Ce territoire, dont le nom, si souvent galvaudé par le passé avec ironie, voire mépris,  a retrouvé toutes ses lettres de noblesse dans la bouche de Philippe Durand. A travers cette formidable enquête, l’intelligence et la fierté d’être larzacois irradient sur ce plateau comme sur scène. Un spectacle brillant à découvrir !

Laurent Schteiner