Phénix Festival : « Le jour où mon père m’a tué » de Magali Solignat et Charlotte Boimare

par | 28 Mai 2022

Le Phénix Festival s’est ouvert sur Le jour où mon père m’a tué de Magali Solignat et Charlotte Boimare. Présenté au Lavoir Moderne Parisien, ce spectacle inspiré d’un fait réel survenu en Guadeloupe en 2013 nous  a tous terrassé par l’intensité émotionnelle qui s’en dégage. 

Cette pièce au format singulier nous offre la possibilité de reconstituer cette tragique histoire sous forme d’un podcast. Constituant le fil narrateur de ce spectacle, Magali Solignat nous entraine dans les coulisses de la mort de Roméo, à l’aube de ses 18 ans, dit Black Bird. Ce surnom, qu’il s’était donné, rendait hommage à ce titre des Beatles qu’il affectionnait tant. A la façon d’une enquête, les jours et les heures qui ont précédés sa mort jettent la lumière sur l’engrenage qui a conduit à la disparition de Black Bird. Parti retrouver Béranger, son père, qui ne l’a pas reconnu, il découvre une figure distante, égocentrique, alcoolique et malsaine. Béranger, animateur sur une station FM, mène une vie ostentatoire nouant des relations privilégiées avec le show business et les notables en vue. Cette vie fascine le jeune Black Bird jusqu’au jour où la cruelle vérité s’imposera à lui : son père ne l’aime pas ! Pire ! il le rejette.

Magali Solignat nous plonge d’entrée de jeu dans une vie guadeloupéenne où la vie se poursuit tranquillement. Ce drame effroyable, qui ne connait pas d’équivalent, choque et prête à la révolte. Or, rien ne se passe… Les clichés des touristes abondent toujours à foison sous-tendus par un racisme de base communautariste persistant malgré la concorde d’un vivre ensemble entre guadeloupéens de couleur et populations de békés. Les réactions nauséabondes recueillies, à la suite de cette tragédie, heurtent de plein fouet la morale et le sens de la justice. Comment cet immense cri d’amour pour un père peut s’achever dans le sang !

Le podcast, à la façon d’une enquête journalistique, relate les événements en introduisant les personnages au gré des besoins de la narration. Cette distanciation opérée avec la réalité a permis une parfaite narration en insufflant quelques traits d’humour et des respirations musicales de Tom Almodar. Le père, absent physiquement de cette pièce mais largement audible, épouse les contours de la monstruosité. Le rythme de la pièce est haletant par la présence même des témoignages et des événements précédant le meurtre. Saluons le jeu remarquable de ces comédiens qui nous ont livré un spectacle de toute beauté. La mise en scène de Magali Solignat est brillante en retraduisant à merveille toutes les dissonances sociétales et communautaristes de la Guadeloupe, à travers ce drame.

Laurent Schteiner

Le jour où mon père m’a tué de Magali Solignat et Charlotte Boimare
Mise en scène de Magali Solignat

avec Charlotte Boimare, Alain Guillo, Tom Almodar et Magali Solignat

  • Costumes : Mélisande de Serre
  • Création lumière : Denis Schlepp
  • design sonore : Evan Maugé
  • Assistante à la mise en scène : Myriam Grélard
  • Photo : Barbara Buchmann

Lavoir Moderne Parisien
35, rue Léon Paris XVIIIème

tel : 01 46 06 08 05
lavoirmoderneparisien.com

du 25 au 29 mai à 19h dimanche à 15h 

 

 

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