Phenix Festival : « Le degré au-dessus de zéro » de Fanny Cabon

Le Studio Hébertot dans le cadre du Phénix Festival nous a offert un spectacle conférence puissant écrit par Fanny Cabon, Le degré au-dessus de zéro dans une mise en scène de Xavier Simonin. Ce spectacle a été construit sur la base de témoignages de femmes victimes de violence. Les écouter conduit à ressentir les effets d’une déflagration qui nous terrasse tous. Ce « seule en scène » admirable emmené par Fanny Cabon analyse les fondements malsains d’une société patriarcale prête à tout pour asseoir son pouvoir sur les femmes en ayant recours à la contrainte et la violence.

Sur scène, trône un écran où se déversent des statistiques glaçantes sur les violences faites aux femmes et aux enfants. Chaque statistique est ponctuée d’un témoignage qui a été rapporté à Fanny Cabon.  Mettant en scène ces récits, elle nous fait pénétrer dans l’angoisse quotidienne des femmes qui redoutent à chaque moment d’être agressée que ce soit dans la rue ou au travail. Tout concourt à la méfiance et pourquoi pas à une forme de paranoïa. Ce qui ressort de ces entretiens est une profonde sidération mâtinée d’une tétanisation qui dissocie le corps de son esprit. Peut-être dans un réflexe instinctif de survie. La femme devant une agression ne se comprend plus elle-même. Elle n’arrive plus à  lutter, elle est tétanisée et consciente de l’horreur vécue. Les vécus tous différents s’enchainent et Fanny Cabon démontre toute la palette de son talent en interprétant différents personnages (de la grand-mère fataliste à la jeune fille) arrivant même à nous arracher quelque sourire malgré la gravité des faits.

Outre la qualité intrinsèque de ce spectacle, Fanny Cabon nous a réservé une jolie surprise. En transposant les statistiques officielles recueillies sous forme d’objet d’art sur l’écran grâce à la technologie d’une application, elle se propose de réaliser une comparaison avec une mini-enquête réalisée en amont auprès des spectateurs. L’objet d’art qui en ressort, montre des différences d’appréciation. A l’issue de chaque représentation, l’objet d’art sera unique et sa sérigraphie disponible à une possible acquisition.

En se penchant sur les travaux de Franck E. Bird et de sa pyramide, Fanny Cabon soumet l’idée qu’il est possible d’endiguer le flot des comportements systémiques et culturellement admis en s’attaquant à la « petite violence ». Vécue au quotidien par de nombreuses femmes, celle-ci se repaît des réflexions et d’actes sexistes. Casser la dynamique de ce principe insupportable, revient à poser les jalons de limites. Le point où l’inacceptable constitue le degré au-dessus de zéro.

A partir de quand tu dis STOP !

Laurent Schteiner