Le Phénix Festival se poursuit avec Amour amère de Neil Labute à la Comédie Bastille. Ce seul en scène, rempli d’émotions et interprété par un formidable Jean-Pierre Bouvier, est un moment de choix où le théâtre entre en communion avec les fondements les plus intimes de l’homme.

Edouard Carr ronge son frein lors de la veillée funèbre de sa femme. A l’écart de tous, il communie avec sa femme défunte devant son cercueil. Fumeur invétéré, il arpente la salle en soliloquant. Ses propos anticonformistes, parfois incongrus, sont empreints d’une grande lucidité provoquant le rire.  Sa vie avec elle défile sous ses yeux. Partageant sa peine et son histoire avec le public, il entreprend un dialogue virtuel qui lui permet de se reconnecter à cette vie passée. Au fil des minutes, Edouard nous décrit son amour pour sa femme, un amour fou qu’il élève au rang de monument. Gagné de haute lutte, cet amour est gravé dans le marbre. Ce n’était pas son seulement destin, mais une question de survie. Elle représentait tant. Les cigarettes n’en finissent pas de se consumer, mais qu’importe ! De toute façon, il est condamné ! Peu importe les jugements, il voulait cette vie et en rêvait.

Puis peu à peu, l’image se fait plus nette. Il incrimine les injustices de la vie et de la mort ainsi que les faux-semblants qu’il n’hésite pas à piétiner. Plein de rage consumée, il invective son impuissance qu’il lui rappelle la fragilité de sa vie d’orphelin. La sensibilité et l’émotion débordent de la scène pour gagner le public. Il décide de quitter la salle mortuaire. Il se ravise car il ne peut nous laisser sur cette note. Et c’est alors qu’il nous délivre le secret de sa vie… Un secret dont la fulgurance, à relier aux mythes grecs, donne à son personnage une identité hors du commun.

La mise en scène de Jean-Pierre Bouvier est réglée avec minutie. Son jeu est riche de propositions multiples qui enflamment le coeur du public. Passant du registre de la colère à la rage, il alterne ses propos en jouant avec l’humour, la sensibilité et la tendresse. On ne peut rester insensible à la force de cette vérité crachée à la face de l’amour. Cette ode à l’amour fou et à la différence ne peut laisser insensible quiconque par-delà le caractère singulier de cette merveilleuse histoire.

Laurent Schteiner

Amour amère de Neil Labute
Adaptation de Dominique Piat
Mise en scène de Jean-Pierre Bouvier

Avec Jean-Pierre Bouvier

  • Assistante à la mise en scène : Anne Plantey
  • Musique : Agatha Kaspar

 

 

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