En aparté : Sandra Vollant, créatrice du Festival Phénix. Un festival aux couleurs du rêve, de la magie et du merveilleux

par | 8 Mai 2021

À un moment où tous les projets étaient à l’arrêt, Sandra Vollant, une femme engagée dans la défense du spectacle vivant, a imaginé le Phénix Festival. C’est l’histoire de cette création, fruit d’intenses réflexions pour un système plus juste. Cet événement, qui se veut pré-avignonnais, se déroulera du 1er au 20 juin 2021. Découvrez cet entretien avec cette belle personne à la vision inspirante.

Comment est né ce festival ?
Il est né inconsciemment. Cela fait 10 ans que je me rends au festival d’Avignon et je constate que la situation des spectacles empire. Le 1er confinement a agi sur moi comme un révélateur, une évidence. Nous étions dans l’expectative et nous ne savions pas si le festival d’Avignon allait se dérouler normalement. L’attente était insupportable pour moi. Il me fallait créer un acte de résistance. C’est ainsi que Le festival Phénix est né ! Car si le festival d’Avignon ne pouvait avoir lieu, pourquoi alors ne pas créer à Paris un festival permettant aux compagnies de jouer leurs spectacles. Avec 2 fondamentaux à la clé : un festival dédié à la création enracinée dans la solidarité. Qu’est-ce que j’entends par solidarité ? Substituer un vrai contrat de coréalisation (division par 2 de la recette 50% pour la compagnie et 50% pour le théâtre) à la location de créneaux aux compagnies par les théâtres.

Quels sont les atouts du Phénix ?
Le Phénix est multiforme. Les spectacles sont également pluridisciplinaires. On ne trouve ça nulle part car dans l’imaginaire collectif le théâtre se limite à Molière. Le théâtre n’est pas élitiste et s’adresse a tout le monde et le Phénix en est la démonstration avec du chant, de la danse, de la ventriloquie, du mime et bien sûr du théâtre. Il y a du rêve, du magique, du merveilleux.

Il est évident que ce festival dédié à la création n’a pas pour vocation de concurrencer le Festival d’Avignon, Bien au contraire, il l’accompagne avec toutefois un bénéfice pour les journalistes et les programmateurs, les compagnies et les spectateurs in fine. Les journalistes et les programmateurs peuvent désengorger leur agenda en amont, les compagnies ont la possibilité de se constituer des dossiers avant de se confronter à Avignon et enfin un bénéfice financier pour les spectateurs dont le budget à Avignon s’avère toujours élevé.

Comment avez-vous convaincu les théâtres d’abandonner leurs tarifs de location pour un 50/50 ?
Outre ma fonction d’attaché de presse, je suis également collaboratrice du Studio Hébertot. De fait, je connais la difficulté d’une économie d’un théâtre. Posséder un théâtre est très compliqué. Mais face à ce projet le Studio Hebertot n’a pas hésité. La Comédie Bastille a également accepté. Christophe Segura a été formidable en m’ouvrant également un certain nombre de portes (y compris celles de politiques). A 80%, le projet a été très bien accueilli.

Quel accueil les compagnies ont réservé à ce projet ?
Les compagnies ont vu clairement ce projet comme « le messie. » Quelque part, il en va de leur survie au regard de la situation que nous connaissons.

Les chiffres en témoignent : 101 candidatures ont été déposées et étudiés par 20 membres du comité de sélection. Ils ont étudié strictement les dossiers avignonnais. On a retenu dans un 1er temps plusieurs dossiers, certains de façon sûre mais d’autres en point d’interrogation. Tous les points d’interrogation ont été reçus en mode audition ou en mode lecture. Certains membres du comité ont demandé à voir le texte intégral. Ce fut une étude de dossiers très poussée. Nous n’avons rien laissé au hasard. Suite à cela, on a retenu 20 candidatures pour cette 1ere année. Côté théâtres, sur 12 théâtres démarchés, 11 ont répondu présent. Six débuteront cette première édition, et 4 autres l’an prochain. Parmi les théâtres de cette 1ère édition, citons le Bouffon Théâtre, la Comédie Bastille, La Huchette, La Nouvelle Seine, Le Studio Hébertot et le théâtre La Bruyère.

Comment s’articule la programmation de cette 1ère édition ?
Les projets reçus sont très cohérents par rapport à la thématique du Phénix. Une thématique assise sur la renaissance dans un certain nombre de déclinaisons. Par exemple, je peux citer : La Grande musique (à travers le thème de la shoah : comment une personne peut subir les stigmates de ses aïeux qu’elle n’aura jamais connus). La psychogénéalogie m’intéresse beaucoup. C’est une facette du Phénix qu’on va retrouver. Ensuite, il y a le Chaplin qui constitue le miroir d’une jeunesse difficile. Charlie Chaplin s’est créé un double qui allait faire de lui un homme complet. A travers ces spectacles, on en retire du bonheur, de l’optimisme de l’espoir et de la beauté. Tout est résilience. Cette programmation n’est pas anodine car elle s’est créée naturellement et elle affirme l’importance de sa ligne artistique.

Que recouvre cette notion éco-responsable ?
Dans le théâtre on a coutume de gaspiller beaucoup de papier (tracs divers, affiches…). Le cas le plus flagrant est Avignon avec ses sempiternelles affiches qui recouvrent la ville entière. Ici tout est mutualisé avec un flyer en commun. Ceci est une réponse parmi d’autres.

Comment est articulé le financement du festival ?
Nous avons été reçus par la Mairie de Paris Un gros travail de sensibilisation a été réalisé. Les institutions publiques ont également été démarchées. A l’heure actuelle, je suis fière d’annoncer que la SACD nous suit sur ce projet.  La 2e part de financement est le « crowfunding » (qui fonctionne très bien) et un démarchage reste à réaliser auprès des investisseurs privés (Orange ou dans les différentes fondations). Ce qui est énoncé dans notre dossier de présentation sont sincères. On est dans le factuel. Je serai jugé sur mes actes et j’espère qu’il en sera de même pour eux. Il y a toutes les bonnes raisons de me suivre, de suivre le Phenix.

Précisément comment pérenniser ce festival ?
Il conviendra d’analyser cette première édition à la lumière du financement avec ma trésorière et un financier. Nous en tirerons les conséquences afin de s’améliorer pour l’an prochain. Avec toujours cet objectif : mettre des étoiles dans les yeux des spectateurs !

Propos recueillis par Laurent Schteiner

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